Intervention de Huguette Bello

Séance en hémicycle du 31 mars 2015 à 21h30
Modernisation du système de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’amélioration incontestable de la situation sanitaire des outre-mer durant ces dernières décennies avait fini par laisser croire qu’il suffisait d’appliquer les mesures de droit commun, quitte à parfois les adapter, pour aboutir à une convergence des ratios et des indices.

Dans un rapport publié en juin 2014, la Cour des comptes a remis cette idée en cause. Contournant sa doctrine en matière budgétaire et faisant fi de ses propres critiques sur la multiplication des plans de santé, elle va jusqu’à proposer pour les outre-mer un programme pluriannuel de santé publique, assorti des moyens budgétaires correspondants ainsi que d’objectifs prioritaires précis.

Particulièrement révélatrice des difficultés des sociétés ultra-marines, la mortalité infantile demeure à un niveau élevé. Alors que la réduction de moitié de l’écart entre le taux ultra-marin – 8 pour 1000 – et le taux de la France hexagonale – 3,3 pour 1000 – était le seul objectif assigné au Plan santé outre-mer de 2009, la situation s’est aggravée durant ces dernières années. Les difficultés liées à la natalité sont multiples : deux fois plus de prématurés, suivi des grossesses encore inégal, mortalité maternelle nettement plus fréquente. C’est pourquoi nous sommes attentifs à l’inscription de la santé maternelle et infantile dans les prérogatives de la politique de santé publique.

La prévention est à nouveau affichée comme un objectif prioritaire. Dans les outre-mer, ce volet est encore moins développé qu’ailleurs. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : seulement trois euros par an et par habitant sont consacrés à la prévention à La Réunion et en Guyane. La réalité sanitaire plaide pourtant pour une rapide prise de conscience.

En liaison avec l’augmentation sans précédent des cas de surpoids et d’obésité, le tableau des maladies chroniques est inquiétant. Le diabète touche 10 % de la population réunionnaise, avec une forte prévalence de diabète de type 2, et l’hypertension artérielle sévère est plus répandue. Quant aux AVC, ils surviennent plus fréquemment, touchent des sujets plus jeunes de dix ans et entraînent la plus forte surmortalité de toutes les régions françaises.

À ces pathologies liées aux transformations des modes de vie s’ajoutent de manière récurrente de graves épisodes épidémiologiques, comme la dengue ou le chikungunya, ou encore des maladies infectieuses contre lesquelles l’importance de la dimension préventive n’est plus à démontrer.

Renforcer la prévention, c’est nécessairement agir en direction de la jeunesse. Il va de soi que les mesures prévues par le texte pour prévenir les grossesses précoces et les IVG chez les jeunes filles ou celles destinées à lutter contre les formes d’addiction les plus graves ne seront pleinement efficaces que si les services de santé scolaire et universitaire sont améliorés.

Favoriser l’accès de tous à la santé passe par une offre de soins suffisante et de qualité. Le nombre de lits et de places offerts par les établissements de santé est un indicateur des disparités du système. Ainsi, avec 355 lits pour 100 000 habitants, La Réunion est près de deux fois moins bien dotée que les Antilles ou la France hexagonale. C’est pourquoi la réalisation du PSO, le Pôle sanitaire de l’ouest, à Saint-Paul était devenue urgente. À ce propos, madame la ministre, je tiens à vous remercier une fois de plus pour votre soutien.

À vrai dire, le secteur hospitalier est engagé dans une véritable course contre la montre puisqu’il faut à la fois combler les retards et apporter les réponses spécifiques exigées par le vieillissement de la population. Pour éviter une catastrophe sanitaire, le sous-équipement abyssal des outre-mer en ce qui concerne les soins de suite et de rééducation devra être pris en compte sans plus tarder.

Si l’offre de soins ambulatoire comporte de fortes disparités géographiques, elle se caractérise surtout par le nombre insuffisant de médecins. En attestent les temps d’attente imposés aux patients, singulièrement lorsqu’ils veulent consulter un spécialiste, ou encore la surfréquentation des services d’urgence des hôpitaux.

À n’en pas douter, la formation est l’une des pistes à privilégier pour améliorer la densité médicale. La création du CHU de La Réunion en 2012 a d’ailleurs été unanimement saluée.

En dépit des deux postes de professeur des universités - praticien hospitalier récemment créés, il est incontestable qu’en matière hospitalo-universitaire le plus jeune Centre hospitalier universitaire (CHU) de France est aussi le plus pauvre ! Pour une population équivalente, des effectifs étudiants identiques et des cursus analogues, le CHU de la Réunion compte quatre fois moins d’enseignants que ceux des Antilles créés vingt-cinq ans plus tôt ! À la suite du rapport de la Cour des comptes, vous avez élaboré, madame la ministre, un plan santé outre-mer destiné à traiter nos situations spécifiques. Il est important que ce plan en cours d’élaboration intègre des pratiques innovantes comme la généralisation du tiers payant, qui a cours à la Réunion depuis plus de dix ans et concerne désormais la quasi-totalité des actes médicaux.

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