Intervention de Frédéric Bontems

Réunion du 1er avril 2015 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Frédéric Bontems, directeur du développement et des biens publics mondiaux à la direction générale de la mondialisation au ministère des affaires étrangères et du développement international :

Au préalable, je précise que mes fonctions au ministère des affaires étrangères et du développement international me conduisent à coordonner l'équipe qui négocie les ODD pour la France.

On nous avait demandé d'intervenir sur les ODD, analysés sous l'angle du développement durable et de l'aménagement du territoire. Dans le temps de quelques minutes qui m'est imparti, je vais essayer de vous livrer les quatre idées qui me semblent les plus importantes.

Cet agenda des ODD qui prendra le relais des OMD en 2015 innove sur trois points : il est universel, transversal et transformatif. Son caractère universel implique que, contrairement aux OMD, il concerne tous les pays du monde : les États-Unis ou la France comme le Bénin ou le Burkina Faso. Son caractère transversal signifie qu'il intègre tant le domaine du développement social et économique que celui de l'environnement et du climat ; il s'inscrit dans la filiation des conférences des Nations unies sur le développement durable, Rio et « Rio + 20 ». Enfin, cet agenda se veut transformatif, c'est-à-dire qu'il ambitionne de changer les modèles économiques des sociétés, en encourageant des modes de production différents.

Cet agenda a une double nature. D'un côté, il s'agit d'une sorte de charte qui exprime une vision partagée de l'avenir collectif que nous voulons dessiner pour tous les pays et il est donc plus déclaratif que normatif. Personne n'imagine que tous les gouvernements du monde, quelle que soit leur orientation politique, auront comme priorité de mettre en oeuvre l'ensemble du programme défini par l'agenda post-2015. De l'autre côté, cet agenda définit les objectifs de la communauté internationale du développement, c'est-à-dire de l'ensemble des agences bilatérales, multilatérales, généralistes ou sectorielles qui interviennent en matière de développement. Il a ainsi une dimension plus précise puisqu'il va organiser la politique de solidarité internationale et de développement pour les quinze ans à venir.

Comment la France s'est-elle organisée pour participer aux travaux de cet agenda ? Nous avons travaillé dans le cadre d'un groupe interministériel comprenant le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) mais aussi le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) qui a joué un rôle extrêmement important, assistant à toutes les sessions de négociations à New York. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le Président, la société civile a été impliquée à travers les Assises du développement et de la solidarité internationale. Tout au long des négociations, nous avons aussi organisé de multiples rencontres et discussions avec les associations et la société civile, afin de faire valoir leurs positions.

Lors de ces négociations, nous avons été animés par un double souci : défendre des objectifs ambitieux et qui soient conformes à nos grandes orientations nationales. Nous voulions intégrer la dimension climatique qui est présente à la fois à travers un objectif dédié et une prise en compte transversale dans tous les objectifs. Nous voulions aussi retenir tous les aspects du développement durable, notamment les modes de consommation et de production durables, la protection des écosystèmes, l'économie circulaire, etc. Cet agenda devait néanmoins rester conforme aux grandes orientations que la France suit pour elle-même : les visées universelles ne doivent pas entrer en contraction avec nos projets nationaux. Il me semble que nous y sommes très largement parvenus.

L'aménagement du territoire n'est pas pris en compte en tant que tel dans l'agenda mais il est plutôt envisagé sous l'angle de l'égalité d'accès aux services publics, particulièrement à l'eau et à l'énergie. On le retrouve également à travers le thème de la préservation des écosystèmes terrestres, notamment dans l'ODD n° 15. À New York, le débat sur le rôle des collectivités et autorités locales a été complexe : d'une part, nous ne voulions pas opposer les villes et les campagnes ; d'autre part, nous étions face à 190 pays dont les organisations territoriales et les structures de pouvoir sont extrêmement variées. Nous sommes parvenus à une rédaction qui n'est pas forcément très heureuse, celle de l'ODD n° 11 : « Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et soutenables. » Quant à l'ODD n° 16, il porte sur les aspects de gouvernance, de droits de l'homme, d'État de droit, et l'une de ses cibles énonce la nécessité de « faire en sorte que le processus de prises des décisions soit souple, ouvert à tous, participatif et représentatif à tous les niveaux. » Les collectivités territoriales sont directement concernées.

Où en sommes-nous et quelle est la suite des travaux prévus ? En juillet dernier, dans le cadre du groupe de travail des Nations unies, nous avons adopté une liste de dix-sept objectifs qui sont associés à quelque 170 cibles plus précises. C'est beaucoup. Quand on négocie à 190 pays, il est toujours plus facile d'ajouter que de retrancher. En tant que négociateurs français, nous avons le sentiment que ces objectifs reprennent 90 % ou 95 % de nos souhaits et ne contiennent rien d'insupportable. Nous sommes donc plutôt satisfaits du résultat. Nous sommes actuellement engagés dans un travail sur les indicateurs associés à ces objectifs, qui va se poursuivre jusqu'au début de l'année prochaine dans le cadre d'un groupe de travail des Nations unies auquel la France participe très activement. Il reste quelques débats sur les cibles associées aux indicateurs, mais ils devraient être relativement limités. En septembre prochain, devrait donc être adopté un agenda très proche de sa version provisoire actuelle.

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