Intervention de Frédéric Bontems

Réunion du 1er avril 2015 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Frédéric Bontems, directeur du développement et des biens publics mondiaux à la direction générale de la mondialisation au ministère des affaires étrangères et du développement international :

Merci pour ces questions, qui me paraissent toutes pertinentes et justifiées ; au reste, elles rejoignent celles que nous nous posons tous les jours, et l'on ne peut leur apporter de réponses simples.

Le nombre de cibles est-il raisonnable ? Vous avez vous-mêmes exprimé ce matin, mesdames et messieurs les députés, des préoccupations sur : l'agriculture familiale, la gestion des déchets, la mer, la lutte contre la corruption, le rôle des collectivités locales, la coopération décentralisée, la santé, l'éducation, le climat, l'immigration, l'énergie, l'eau, la responsabilité sociale des entreprises, le développement économique et la gestion des conflits ; cela fait déjà beaucoup. Encore sommes-nous dans une réunion entre acteurs politiques français ayant une vision et des références partagées, et se voyant interpellés, par leurs électeurs, sur des sujets similaires : imaginez la complexité d'une réunion entre 190 pays ayant chacun des référentiels, des acteurs de terrain et des partenaires différents. Cette complexité, Jean-Michel Severino l'a dit, est le prix à payer pour un agenda réellement partagé. Le fait extraordinaire, de ce point de vue, est qu'un consensus ait pu émerger depuis un an et demi, aux Nations Unies, sur cet agenda que les pays membres se sont pleinement approprié. Aussi les pays du G77, au premier rang desquels la Chine, soulignent-ils qu'un équilibre politique a été trouvé, auquel il ne faut pas toucher.

L'intérêt scientifique d'un certain nombre de cibles n'est pas démontrable, c'est vrai ; mais si nous entreprenons de plaider pour la limitation de leur nombre, la première cible qui disparaîtra sera celle qui correspond à l'objectif 16, relatif à la gouvernance, à l'État de droit et à la gestion des conflits. Cela appauvrirait donc l'ensemble de l'approche. Plusieurs groupes des Nations Unies travailleront jusqu'en mars prochain ; la France y joue un rôle très actif, notamment sur la définition d'indicateurs précis et sur l'affinement des cibles.

Sur le bilan des OMD, nous disposons de nombreuses données. On peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein ; reste que des progrès sensibles ont été accomplis. Ils sont liés, bien sûr, à la croissance économique soutenue de certains pays émergents, comme la Chine et l'Inde, mais pas seulement : les progrès en matière d'accès à l'éducation ont été très rapides, par exemple, au Burkina Faso, et l'atteinte des OMD est fort satisfaisante au Rwanda. La limite de cette approche, au demeurant, est qu'elle est plus quantitative que qualitative : cela appelle des ajustements qu'il serait trop long de détailler.

Vous avez été nombreux à nous interroger sur le climat et sur les conflits – et la fragilité des États face à eux. D'après les rapports internationaux – notamment de la Banque mondiale –, ce sont précisément les deux causes susceptibles de faire échouer les OMD et d'annihiler la totalité des progrès réalisés depuis quinze ans – les pays les plus en retard dans la mise en oeuvre des OMD étant les pays fragiles qui connaissent un conflit. C'est dire la dimension transversale de l'agenda.

Sur les moyens, l'aide publique au développement n'est qu'une petite partie de la réponse. Une conférence se tiendra à Addis-Abeba, en juillet prochain, sur le financement du développement et de l'agenda post-2015 ; un premier texte sur ses conclusions commence à circuler, qui précise que les ressources domestiques constituent la première source de financement. En ce domaine, la communauté internationale peut agir, à travers la lutte contre la fraude fiscale et pour la transparence, ou contre l'érosion des bases fiscales et le transfert illicite de profits. Le même texte indique que d'autres flux doivent être mobilisés, y compris internationaux, lesquels peuvent être publics mais aussi privés, qu'il s'agisse des investissements directs des entreprises ou des transferts de fonds des travailleurs migrants.

L'aide publique au développement a atteint, l'an dernier, un pic historique – même si c'est moins vrai pour la France. Cependant, son impact reste très variable selon les pays : pour les moins avancés d'entre eux, elle représente 60 % des transferts extérieurs nets et 30 % des dépenses budgétaires ; elle y est donc un apport essentiel, qu'il faut maintenir, dans la mesure où les ressources domestiques et les flux privés resteront faibles, même s'ils peuvent jouer un rôle non négligeable. Pour les pays à revenus intermédiaires, l'APD ne représente que 2 % des transferts extérieurs nets ; elle doit alors, de notre point de vue, agir comme un catalyseur, pour favoriser les apports extérieurs et aider ces pays à évoluer vers un modèle de développement plus durable et plus conforme aux aspirations des populations. Le développement, aujourd'hui, suppose donc une coalition d'acteurs locaux, et des bases institutionnelles solides.

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