Intervention de Pierre Jacquemot

Réunion du 1er avril 2015 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Pierre Jacquemot, président du GRET, chercheur associé à l'IRIS :

Le travail sur les ODD a des effets très bénéfiques sur la mobilisation des acteurs. On constate depuis deux ans, aussi bien dans les milieux académiques qu'au sein des collectivités et des ONG, un réel engouement pour ces questions. La prolifération des travaux et la mobilisation soutenue tiennent aussi à un calendrier serré, entre la conférence d'Addis-Abeba en juillet, celle de New-York en septembre et la COP21 à Paris en novembre-décembre.

Nous pouvons d'autre part être fiers d'être français, car nos thèses sont très présentes : j'y reviendrai. Quant aux moyens, on compte moins sur l'aide publique classique – l'objectif d'y consacrer 0,7 % du revenu national brut restant un horizon « mythique » – que sur d'autres ressources. Dans l'un des documents qui vous ont été distribués, un tableau fait la synthèse de tous les financements susceptibles d'être mobilisés dans le cadre des ODD : les financements nationaux peuvent être publics – à travers la fiscalité ou la lutte contre la corruption – ou privés – à travers la bancarisation croissante d'un certain nombre de pays et la lutte contre les fuites de capitaux ; on peut aussi compter sur des financements publics internationaux, qu'il s'agisse de l'aide publique ou de fonds dédiés – et l'on peut sur ce plan nourrir, comme je le suggérais, une certaine fierté d'être français à l'évocation des fonds mondiaux contre le SIDA, la tuberculose ou le paludisme –, comme sur des financements innovants – à l'instar du Fonds vert –, sur des fonds privés internationaux – les transferts de flux des migrants représentant près de 400 milliards de dollars qui peuvent, pour une large part, appuyer des investissements dans les pays d'origine – ou sur des investissements directs étrangers. Enfin, les financements mixtes sont légion ; j'ai dressé une liste non exhaustive de ceux qui relèvent de l'économie sociale et solidaire, des mécanismes de garantie ou des obligations à impact social. Hier, nous avons aussi appris que 50 % des investissements de l'AFD sont climatiquement compatibles, autrement dit qu'ils ont un impact direct sur les objectifs climatiques – étant entendu que les autres 50 % ne sont évidemment pas incompatibles avec eux.

On assiste par ailleurs à une mutation significative du capitalisme privé, en particulier français, dont témoignent par exemple le renforcement des mécanismes de responsabilité sociétale et environnementale, l'adhésion à des certifications, par exemple de l'OCDE ou de l'Organisation internationale du travail (OIT) en matière sociale, ou la reconnaissance des investissements socialement responsables. Les responsables d'agences de développement, réunis hier à Bercy, ont d'ailleurs évoqué l'importance de ce concept dans la définition des mécanismes de garanties financières à l'échelle internationale. Bref, la dynamique engagée nous paraît intéressante, à condition bien entendu que l'État joue son rôle de régulateur et que la vigilance reste de mise.

Je parlais de la fierté d'être français. Le Conseil mondial de l'alimentation, placé auprès de la FAO – l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, a adopté, en octobre dernier, de nouvelles directives relatives à l'investissement agricole responsable afin de lutter contre l'accaparement des terres, phénomène qui, depuis une dizaine d'années, a touché 50 millions d'hectares, soit la taille de notre pays. Si les mises en valeur concernent, selon les estimations, un tiers des concessions, les dégâts et les échecs ont été importants, par exemple avec les agrocarburants. À l'initiative de la France – qui dispose, depuis 1997, d'un comité technique « Foncier et développement » associant administration, chercheurs et autres intervenants –, a été mis en place un mécanisme de plus en plus contraignant pour les investissements étrangers, avec des résultats tangibles dans un certain nombre de pays.

En ce qui concerne la parité entre hommes et femmes, les résultats sont probants, depuis une quinzaine d'années, en matière de scolarité. Soit dit en passant, les parlements qui, dans le monde, accueillent le plus de femmes sont africains ; celles-ci sont même majoritaires au sein du Parlement rwandais. Ces évolutions ont bien entendu été conquises par les femmes elles-mêmes, à travers leurs luttes et les pressions qu'elles ont exercées. Au demeurant, l'indicateur le plus pertinent, pour juger des 17 objectifs, est la place des femmes car cela a un impact immédiat sur la scolarisation, la santé, la microfinance ou la nutrition des enfants. S'il y avait un seul objectif à préserver, je le dis, sans démagogie et avec l'objectivité du professeur, ce serait donc celui-là.

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