Intervention de Hervé Emo

Réunion du 2 avril 2015 à 8h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Hervé Emo, secrétaire général du syndicat Union des officiers :

Puisque son ombre règne sur cette commission d'enquête, l'Union des officiers tient, sans aucun esprit polémique, à rappeler son émotion à la suite du décès de Rémi Fraisse, et c'est pour éviter qu'un fait de même nature se reproduise que nous appelons de façon urgente à l'établissement des règles que je vais énoncer.

Nous constatons que les analyses diverses et les propositions formulées pour garantir le respect des libertés publiques et le droit de manifester reviennent quasi systématiquement à commenter l'activité des deux forces mobiles de sécurité, leur régime d'emploi, leurs pratiques, leur formation. Or il ne faut pas négliger l'atteinte au respect de ces libertés par plusieurs catégories de manifestants, écologistes radicaux, marginaux, membres de groupuscules d'extrême gauche et autres. Les lois et règlements définissent parfaitement ce que sont une manifestation et un attroupement, voire une émeute. Une manifestation doit être pacifique, ordonnée et contrôlée. Dès qu'il existe un trouble à l'ordre public, la manifestation se transforme en attroupement et des textes répressifs s'appliquent immédiatement.

Nous connaissons cependant les difficultés rencontrées par les forces de l'ordre pour identifier et interpeler les fauteurs de troubles au sein des cortèges, individus qui trop souvent ne seront pas poursuivis par la justice faute de preuves. Pour l'Union des officiers, la véritable opposition au droit de manifester réside dans la multiplication de ces troubles, violences et dégradations qui s'imposent aux manifestants pacifiques et créent un climat global d'insécurité. Ce sentiment provoque un désintérêt pour ce type d'expression de la part du plus grand nombre, qui, par peur des risques courus, préfèrent ne plus exercer cette liberté.

Pour que les manifestations redeviennent des manifestations pour tous et que ce droit légitime soit protégé, l'État doit adopter des textes législatifs supplémentaires permettant d'intervenir contre ces professionnels du désordre qui ont pour seul but de créer des incidents, voire de blesser des policiers ou gendarmes. Les textes qui existent en France s'appliquent dans des situations collectives et figées. Comme en Angleterre et en Allemagne, les textes nouveaux que nous appelons de nos voeux devraient dépasser ce cadre collectif et créer des infractions contraventionnelles ou délictuelles individualisées.

Nous demandons une loi prévoyant des sanctions systématiques pour le fait de participer à une manifestation avec le visage caché ou porteur d'une arme, réelle ou par destination, casque, fusée de détresse, chaîne antivol… Nous demandons l'application de circonstances aggravantes pour les délits, vols et violences, commis durant les manifestations. Dès que cette catégorie d'individus, facilement identifiables par leur tenue ou leur comportement, participent au cortège, ils ne doivent plus être considérés comme des manifestants mais comme des délinquants potentiels, représentant un risque réel d'atteinte à l'intégrité physique des manifestants pacifiques, d'agression des forces mobiles de sécurité et de dégradations de biens. Pour l'Union des officiers, il ne faut pas confondre manifestants et délinquants.

Nous préconisons également de rappeler leurs obligations légales aux organisateurs des manifestations, de les obliger à prévoir un service d'ordre suffisant pour pouvoir dissoudre une manifestation dès qu'ils en reçoivent la demande, et de les poursuivre en cas de manquement.

L'ensemble des missions des services de police ou de gendarmerie placent les personnels face à un contexte incontestablement de plus en plus violent. Les fonctionnaires de police et militaires de la gendarmerie sont contraints de recourir à la force pour exercer leur mission. Si, globalement, l'ensemble de la population, consciente de cette violence, accepte de plus en plus l'usage de la force par les représentants de l'ordre, nous serions sensibles au fait que cette violence légitime soit transcrite dans les textes, acceptée par la loi.

Notre société doit faire des choix, et vous en êtes, mesdames et messieurs les députés, les dignes représentants. Les membres des forces de l'ordre attendent des élus de la Nation une reconnaissance de la dangerosité de leur travail et une solidarité exprimée dans les textes. Nous ne demandons pas l'impunité, loin de là ; nous acceptons les multiples organes de contrôle et de sanction, mais nous osons compter pour les forces de l'ordre aussi sur l'application de la présomption d'innocence.

En conclusion, monsieur le président, vous accepterez l'idée que le syndicaliste que je suis, membre de la confédération Force Ouvrière, soit particulièrement attentif à la préservation des libertés individuelles et au droit de manifester. Mais l'officier de police sait que, pour garantir ces libertés fondamentales, il faut avoir le courage de condamner ceux qui en abusent et en détournent l'esprit.

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