Intervention de Hervé Mariton

Séance en hémicycle du 19 juillet 2012 à 9h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2012 — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton :

Le Gouvernement et la majorité ont décidé d'augmenter les impôts. Nous n'y sommes pas favorables et aurions préféré davantage d'économies, mais c'est votre choix politique et, si les impôts augmentent, il n'est pas choquant que l'impôt sur le patrimoine soit augmenté. Dans ce contexte, le groupe UMP et moi-même, à titre personnel, ne sommes donc pas plus furieux que cela que vous augmentiez cet impôt plus que d'autres. Il est cohérent en effet de solliciter le patrimoine et nos concitoyens les plus favorisés.

Pour autant, n'insultons pas la précédente réforme de l'ISF, déjà financée en bonne part, je vous le rappelle, par les patrimoines élevés, taxés notamment au moment de la transmission.

Lors de cette réforme, la majorité de l'époque avait particulièrement veillé à éviter tout effet de seuil, précaution totalement absente de la réforme que vous proposez aujourd'hui. Ainsi, de manière assez paradoxale, le PS arrive à faire aujourd'hui, ce que nous n'avions pas osé : vous supprimez l'ISF pour le remplacer par une contribution exceptionnelle !

Il reviendra au contribuable de payer la différence entre la contribution exceptionnelle et l'ancien ISF, le seul problème de cet effort supplémentaire étant qu'il devient dégressif, du fait de l'omission des effets de seuil. En effet, qu'aura à payer en plus un contribuable ayant un patrimoine de 1,3 million d'euros ? 1 250 euros. Qu'aura à payer en plus un contribuable ayant un patrimoine de 1,4 million d'euros ? Zéro euro – il devrait plus exactement toucher 20 euros mais, par un heureux pressentiment, vous avez bien spécifié dans le texte qu'il n'y aurait pas de restitution.

Pour un patrimoine de 1,45 million d'euros, il faudra acquitter 230 euros supplémentaires, et 1 230 euros pour un patrimoine de 1,65 millions. Cela dessine donc entre 1,3 et 1,6 million d'euros une courbe assez curieuse, puisque, au début de la courbe, plus on est riche moins on paie, avant que le montant supplémentaire acquitté remonte sans pour autant dépasser ce que l'on doit verser sur un patrimoine de 1,3 million. Il y a là, selon moi, une faute contre la justice mais également un problème de constitutionnalité.

J'ai bien compris que le montant global versé continue d'être progressif mais l'effort exceptionnel que vous demandez est, lui, dégressif. Et l'on retrouve cette aberration pour les patrimoines compris entre 3 millions et 3,2 millions car, là encore, vous avez oublié l'effet de seuil.

Je souhaiterais donc que le rapporteur général et le Gouvernement nous indiquent précisément le nombre de contribuables concernés, car il y a là quelque chose d'extrêmement choquant.

Cela étant, une fois acté le fait que les hauts patrimoines contribuent ainsi aux sacrifices que vous demandez aux Français, votre proposition comporte un second problème constitutionnel, car elle n'instaure aucun plafonnement. Au moment où l'impôt sur les grandes fortunes a été créé, au moment où l'ISF a été mis en place, le montant demandé au contribuable prenait raisonnablement en compte la rentabilité du capital. Je ne pleure pas sur le fait que les très gros patrimoines contribuent davantage, mais le fait de payer un impôt sans rapport avec le rendement raisonnable du capital pose un problème de constitutionnalité, et il n'est pas possible de solliciter le contribuable au-delà de ce niveau raisonnable. Ce caractère confiscatoire de l'impôt, pour désigner les choses par leur nom, même s'il touche des niveaux de patrimoine qui ne font pas pleurer, n'en est pas moins choquant.

Je résume : nous ne sommes pas contre l'impôt sur le patrimoine, s'il est juste ; nous ne sommes pas, bien au contraire, contre le fait qu'un effort supplémentaire soit demandé à nos concitoyens les plus richement dotés en patrimoine ; mais vous auriez pu concevoir un mécanisme qui évite de demander davantage à un patrimoine de 1,3 million qu'à un patrimoine de 1,4 million. Vous auriez également pu éviter de proposer une fiscalité confiscatoire. Ces deux arguments seront sanctionnés par le Conseil constitutionnel.

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