Intervention de Christophe Priou

Réunion du 7 avril 2015 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Priou :

Le jugement de la Cour de cassation de 2012 a inspiré plusieurs initiatives. Ainsi, avec Alain Leboeuf ici présent, nous avions repris la proposition de loi de Bruno Retailleau qui avait été votée au Sénat. Cependant, elle n'est pas venue en discussion à l'Assemblée nationale, car la garde des Sceaux devait présenter au premier semestre un projet de loi tendant à modifier le code civil.

Indéniablement, il y aura un avant et un après Erika. À l'époque, j'étais maire du Croisic, commune de la région qui fut l'épicentre de la catastrophe. S'agissant tant des opérations de nettoyage que du traitement de ce type d'affaires par la justice, le seul retour d'expérience dont nous disposions alors était celui du naufrage de l'Amoco Cadiz, qui avait été jugé aux États-Unis. Un peu plus de deux ans après le naufrage de l'Erika, est intervenu celui du Prestige au large des côtes françaises et espagnoles. Notre assemblée a alors créé une commission d'enquête intitulée « De l'Erika au Prestige : la mer de tous les vices ». Puis, dans le cadre du Grenelle de la mer, une mission a travaillé sur la modification du fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) qui couvre le domaine maritime mais non le domaine terrestre. Nous avons formulé plusieurs propositions, car ce type de fonds tend avant tout à réparer des préjudices économiques.

Je soulignerai également le long chemin parcouru pour faire valoir notre bon droit, entre le naufrage de l'Erika le 12 décembre 1999, l'arrivée de la pollution sur nos côtes le 26 décembre de la même année, et le jugement en cassation qui a été rendu dans cette affaire en 2012, après un premier jugement en 2008. À l'époque, sous la présidence de Jacques Chirac, le gouvernement de Lionel Jospin avait très tôt signé un protocole d'accord avec la société Total prévoyant que celle-ci prendrait en charge certaines opérations de nettoyage. Dans le cadre d'une « mission Atlantique », Total fit le tour des communes concernées, proposant aux maires de nettoyer les côtes puisque l'État avait du mal à faire face à la situation. Mais la compagnie pétrolière avait alors précisé qu'en acceptant son aide, les communes renonçaient à tout recours. Certaines d'entre elles ont cependant tenu dans le temps face à Total, malgré le renouvellement des équipes municipales en 2001 puis en 2008. Les élus se sont aussi entendu dire qu'il ne fallait pas affaiblir une grande entreprise nationale et qu'ils avaient tout intérêt à ne pas trop forcer la voix puisque Total représentait quelques milliers d'emplois. Cette entreprise nationale n'était, d'ailleurs, pas la seule responsable – d'autres ont été condamnées lors des procès de 2008 et de 2012 –, mais elle était la seule solvable.

Aujourd'hui, nous sommes satisfaits de ces décisions de justice et nous voudrions que soit rapidement intégrée dans le code civil une référence à la nature et à la réparation du préjudice économique, moral et écologique puisque « le végétal, l'animal, la chose n'ont pas de valeur indemnisable tant qu'ils n'entrent pas dans le patrimoine d'une personne physique ou d'une personne morale ».

Nous avons, en effet, connu d'autres catastrophes à terre : plus terrible que l'Erika fut l'explosion d'AZF, à Toulouse, qui fit plusieurs dizaines de victimes. Si de nouvelles catastrophes devaient se produire, il ne faudrait pas attendre une quinzaine d'années avant de modifier le code civil. C'est pourquoi nous appelons à ce que le calendrier annoncé par la garde des Sceaux soit tenu et que des mesures soient adoptées si ce n'est d'ici à la fin du premier semestre, du moins d'ici à la fin de l'année 2015.

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