Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 15 avril 2015 à 21h30
Renseignement — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Avec les boîtes noires, nous arrivons à l’un des points… noirs du texte. Franchement, je ne sais pas par où commencer, et je n’aurai sans doute pas assez de deux minutes. Je vais donc faire une liste des raisons qui me conduisent à demander leur suppression.

Premièrement, elles posent un problème philosophique. Comme l’a souligné le Conseil national du numérique – qu’il faudrait écouter de temps en temps – s’en remettre à un algorithme est un choix de société douteux. Cela peut convenir pour chercher ses vacances, mais je ne vois pas l’intérêt pour cibler des terroristes.

Ensuite, on ne connaît pas la localisation de ces sondes : seront-elles aux coeurs de réseau ou aux points d’interconnexion qui ne voient pas passer l’intégralité du trafic ? Ce serait alors peu efficace pour le trafic échangé localement entre cellules terroristes. Ou bien seront-elles au plus proche des abonnés finaux ? Dans ce cas, cela impliquerait d’aller reconfigurer plus de 50 000 équipements.

On ne connaît pas non plus le périmètre des métadonnées. Seules les adresses IP seront-elles concernées, ou également les adresses des contenus ? C’est une vraie question, car les dernières, sans doute les plus pertinentes, ne figurent pas dans les métadonnées traitées par les fournisseurs d’accès. Le droit national et communautaire leur interdit de procéder au traitement et à la conservation des données de trafic. Le seul moyen de les obtenir serait de mettre en place des dispositifs d’analyse de trafic de type DPI, très intrusifs. Toutefois, le ministre de l’intérieur n’était pas du tout pour une telle solution lors de l’examen de la loi sur le terrorisme, car cela engendrerait effectivement une surveillance généralisée.

Quatrièmement, l’étude d’impact est très légère, voire muette sur ces points, mais aussi sur le coût de toutes ces mesures – nous y reviendrons tout à l’heure – et les modalités de compensation des intermédiaires.

Enfin, encore une fois, même si seule la lutte contre le terrorisme est concernée, le caractère potentiellement intrusif de ces dispositions reste particulièrement élevé. Je sais que vous proposez une durée de quatre mois renouvelables. Toutefois, le problème n’est pas la durée, mais bien la technique et son contrôle.

Pour toutes les raisons que j’ai évoquées et que je viens de détailler, une adoption de ce dispositif nuirait aux libertés individuelles et aux acteurs du numérique. Peut-être, monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler les modalités d’utilisation des DPI.

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