Intervention de Pascal Popelin

Réunion du 16 avril 2015 à 11h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin, rapporteur :

Monsieur le Défenseur des droits, vous avez été extrêmement exhaustif, ce qui laisse peu de temps à l'échange – qui est quand même un peu le principe dans ce type de commission. Je vais donc centrer mes questions sur deux points importants : l'usage des moyens de force intermédiaire ; les actions préventives.

Commençons par l'utilisation de moyens de force intermédiaire dans les opérations de maintien de l'ordre. Le paradoxe est que les unités spécialement dédiées au maintien de l'ordre – compagnies républicaines de sécurité (CRS) ou escadrons de gendarmes mobiles – ne sont pas dotées de tasers et de Flash-Ball. Ces armes sont néanmoins utilisées dans certaines opérations de maintien de l'ordre par des forces qui en sont dotées et qui ne sont pas spécialisées dans le maintien de l'ordre.

Nous interrogeons nombre des sources divergentes, afin de voir si les informations recueillies sont, elles, convergentes. À ce stade, nous avons le sentiment que les accidents ne résulteraient pas de l'usage du LDB 40 par les unités spécialisées dans le maintien de l'ordre, mais qu'ils seraient plutôt liés à l'emploi d'autres moyens de force intermédiaire par des unités non spécialisées qui interviennent ponctuellement dans des opérations de maintien de l'ordre. Qu'en pensez-vous ?

Quant à l'usage du taser, du Flash-Ball ou du LDB en dehors des opérations de maintien de l'ordre, il sort hors du champ de notre commission et des recommandations qu'elle pourrait être amenée à faire.

Aux forces spécialisées dans le maintien de l'ordre, j'ai posé la question suivante : dans quelles circonstances pouvez-vous être amenés à utiliser ce type de moyen de force intermédiaire puisque vos interventions reposent normalement sur le maintien à distance et la gestion de foule de manière collective ? La réponse qui m'a été faite ne doit pas être écartée d'un revers de main. Quand il est utilisé par un agent dûment habilité et formé à s'en servir, sur l'instruction précise d'une hiérarchie bien organisée et dans un cadre qui est statistiquement rare, cet outil peut nous permettre de neutraliser un individu qui envoie des projectiles, bouteilles d'acide ou engins explosifs sur les forces de l'ordre, m'a-t-on répondu.

Du point de vue de la doctrine, l'emploi de ce type de matériel n'est donc pas à écarter totalement, à condition de respecter le protocole. En ayant en tête la recommandation n° 6 de votre rapport, je voulais vous poser la question suivante : ne pensez-vous pas qu'il faudrait, pour les opérations de maintien de l'ordre, autoriser l'usage de ce moyen aux seuls CRS et gendarmes mobiles ? À ma connaissance, son utilisation par ces forces spécialisées n'a pas provoqué d'atteinte à l'intégrité physique de manifestants.

Venons-en aux actions préventives. De nos auditions – que nous avons commencées début janvier et que nous terminons par vous – il ressort d'une manière assez convergente que les manifestations attirent des individus qui n'ont strictement rien à voir avec les organisateurs, l'état d'esprit des participants ou les mots d'ordre lancés. Comment prévenir ce type de participation qui perturbe tout le monde ? Pour des manifestations sportives, des dispositions ont été trouvées qui ont fait leurs preuves, notamment les interdictions de stade. L'exercice est plus compliqué quand il s'agit d'un événement qui se déroule sur la voie publique et qui suppose le respect de certains principes comme celui de la liberté d'aller et venir.

Certaines actions de prévention qui sont menées actuellement n'ont pas de bases légales, nous avez-vous indiqué. Il y a donc un vide juridique. Pensez-vous que nous pouvons trouver un moyen juridique d'empêcher quelqu'un de participer à une manifestation, qui soit compatible avec le respect des droits fondamentaux que vous avez pour mission de défendre ? Au fil des auditions, nous avons entendu des propos parfois divergents sur le sujet.

Dans mon esprit, une telle disposition législative devrait viser un public strictement défini, par exemple des personnes ayant déjà fait l'objet d'une condamnation définitive liée à leur comportement dans une manifestation. Il faudrait évidemment définir le niveau de gravité des faits et de la condamnation antérieurs.

Pour ma part, je ne crois pas au pointage au commissariat. Quant à la rétention préventive, c'est une mesure privative de liberté. Cela étant, l'autorité civile prend des dispositions concernant l'itinéraire des manifestations ; elle autorise des contrôles et des vérifications d'identité dans le périmètre concerné. Ne pourrait-on pas envisager une mesure d'interdiction administrative, notifiée préalablement à des personnes précisément ciblées ? Celles-ci s'exposeraient à des sanctions – à définir – dans le cas où elles enfreindraient l'interdiction de se rendre sur les lieux de la manifestation aux heures indiquées. Pensez-vous qu'une telle disposition serait compatible avec le respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion