Intervention de Philippe Goujon

Réunion du 16 avril 2015 à 8h30
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Je me réjouis que notre président et notre rapporteur aient suscité cette audition. Je voulais moi aussi entendre les responsables de l'organisation lorsque nous avons fait adopter par l'Assemblée nationale, voilà deux ans, la création d'une commission d'enquête sur le maintien de l'ordre à Paris. Mon groupe considérait en effet que le maintien de l'ordre n'avait pas été assuré dans les meilleures conditions autour de la « Manif pour tous » ni au Trocadéro. Malheureusement, la commission d'enquête a dû se saborder après une unique réunion à cause d'amendements de la majorité qui en dénaturaient la définition même. Je suis heureux que M. Mamère ait eu plus de chance que moi et que nous puissions aujourd'hui nous intéresser au maintien de l'ordre, plus largement d'ailleurs.

La manifestation du 24 mars est un enjeu important. C'était à l'époque le motif principal de ma demande de création d'une commission d'enquête. Pour suivre depuis quelques décennies les questions qui concernent la préfecture de police de Paris, en particulier les manifestations – j'ai été pendant une douzaine d'années adjoint au maire de Paris chargé des questions de sécurité –, je peux témoigner de plusieurs anomalies affectant l'organisation de ce rassemblement par les forces de sécurité. La première, décrite par les organisateurs, était de leur attribuer un lieu qui formait un cul-de-sac, ce qui ne peut que provoquer des troubles. Je ne veux pas du tout dire que c'était volontaire, mais il y a là au moins une erreur technique, qui consiste à faire avancer des manifestants vers un barrage infranchissable. Pour qu'une manifestation se déroule bien, il faut en effet respecter deux principes fondamentaux. Premièrement, faire en sorte qu'elle soit fluide – d'ailleurs, sauf erreur de ma part, toutes les autres manifestations organisées par le mouvement l'étaient puisqu'elles étaient mobiles. Deuxièmement, tenir les forces de sécurité à distance des manifestants, pour éviter tout contact.

Un autre problème est l'intervention de perturbateurs, voire de casseurs – pour reprendre un terme que nous avons utilisé à propos d'autres manifestations. Il n'est pas rare que le déroulement d'une manifestation soit ainsi altéré. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous souhaitons donner des pouvoirs supplémentaires aux forces de sécurité. Comment avez-vous appréhendé cette dichotomie entre des manifestants pacifiques – ce qui n'a pas empêché d'en « gazer »certains alors qu'ils étaient accompagnés d'enfants en poussette, manière tout de même assez rare de maintenir l'ordre – et ces casseurs ? J'ai vu à la télévision des images effrayantes filmées en bas des Champs-Élysées et qui montraient des jeunes affrontant volontairement les forces de l'ordre.

À vous entendre, et à entendre d'autres organisations, il m'a semblé que la vôtre faisait l'objet d'un traitement particulier lors de la préparation de la manifestation et dans les contacts avec la préfecture de police de Paris. Le préfet, avec qui j'en ai discuté et que nous avons auditionné ici même, retourne en quelque sorte l'argument, expliquant qu'il est très difficile d'établir des contacts suivis et fiables avec les organisateurs de la « Manif pour tous ». Avez-vous pris part à des réunions avec la préfecture ? Quelles étaient vos relations avec elle ? Vous nous en avez dit quelques mots mais, encore une fois, ce n'est pas tout à fait ce que nous a laissé entendre le préfet de police.

Vous avez évoqué l'incident du lycée Buffon. Maire du XVe arrondissement de Paris, j'assistais à la cérémonie organisée par le Président de la République à l'intérieur de cet établissement au moment où les événements se sont produits. Le préfet de police était d'ailleurs présent et nous avons pu traiter le problème en direct, dans une salle du lycée. J'ai constaté de visu que les personnes interpellées, moins de quelques dizaines, dont j'ai essayé ensuite de voir avec la préfecture de police comment faciliter la libération, étaient des mères de famille, venues – aucune manifestation n'étant organisée – boulevard Pasteur et rue de Vaugirard, peut-être pour rencontrer le Président de la République. Leur interpellation m'a semblé un peu sévère. Je pense d'ailleurs qu'elles ne sont pas restées longtemps dans les commissariats de police où elles avaient été emmenées – à l'autre bout de Paris, soit dit en passant, mais enfin peu importe.

S'agissant enfin du projet de loi relatif au renseignement, je fais partie de ceux qui ont demandé au ministre de l'intérieur si le mouvement était concerné par les dispositions sur la prévention des violences collectives – vous aurez d'ailleurs constaté que la terminologie employée a été modifiée.

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