Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 4 mai 2015 à 16h00
Accord relatif au fonds de résolution unique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Je ne veux pas revenir sur les causes qui nous amènent à examiner ce soir dans cet hémicycle ce projet de loi, qui tenait à l’origine en un seul article autorisant la ratification de l’accord intergouvernemental signé le 21 mai 2014 à Bruxelles. Cet accord organise le transfert et la mutualisation progressive des contributions des établissements bancaires au Fonds de résolution unique.

Un second article, comme l’a rappelé le précédent orateur, a été adjoint par nos collègues sénateurs : il prévoit que le Gouvernement informe le Parlement jusqu’en 2024 de la mise en oeuvre du mécanisme de résolution unique et du Fonds de résolution unique, en particulier du montant global des contributions des banques nationales ainsi que de la mise en oeuvre de la directive relative au système de garantie des dépôts, au regard, notamment, de leur impact sur le financement de l’économie réelle.

Cet accord intergouvernemental est une pierre de plus dans l’édification de l’Union bancaire européenne. Il crée le mécanisme de résolution unique dont l’objectif général, nous l’avons déjà salué, est de découpler le risque bancaire des risques souverains. Pour ce faire, cela a déjà été rappelé, notre Parlement participe depuis quelques années, de près ou de loin, à la transposition des directives européennes, au sein de textes législatifs parfois un peu fourre-tout. Ainsi, nous avons transposé les dispositions de la directive relative au rétablissement et à la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement en autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans la loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dite loi DDADUE, publiée fin décembre 2014. Nous procédons aussi par l’approbation d’accords intergouvernementaux, comme c’est le cas aujourd’hui.

Les principes fondamentaux sont les suivants : un mécanisme de supervision unique, entré en vigueur le 4 novembre 2014, et un mécanisme de résolution unique prévoyant un Fonds de résolution unique doté de 55 milliards d’euros environ, soit 1 % du montant des dépôts européens.

L’accord dont le Gouvernement nous propose d’autoriser la ratification précise le cadre juridique du règlement MRU. Sur l’engagement des parties contractantes à transférer les contributions des établissements assujettis de chaque État participant vers le Fonds de résolution unique, le versement des premières contributions au titre de l’année 2015 sera effectué avant le 31 janvier 2016. Au final, le montant total des contributions des banques françaises devrait être d’environ 15 milliards d’euros, au lieu des 20 à 30 milliards envisagés initialement.

Nous pensons que c’est une bonne démarche, d’autant qu’elle garantit la parité entre banques françaises et allemandes, sachant toutefois qu’une fraction de cette somme, allant de 15 à 30 %, pourrait être acquittée sous forme d’engagements de paiement qui n’auraient donc aucune incidence sur le compte de résultat des banques.

L’accord précise le rythme de mutualisation des ressources des compartiments nationaux : 40 % des ressources seraient mutualisées dès la première année, 60 % la deuxième année, puis ce serait linéaire jusqu’à la fin de l’année 2023. Il prévoit la possibilité de recourir à des financements complémentaires des contributions collectées ex ante, comme les transferts entre les compartiments nationaux ou la collecte de contributions ex post.

Nous convenons que cet accord politique constitue une avancée en vue de l’Union bancaire européenne : certes modeste, mais tout de même une avancée.

Il est toutefois nécessaire de lui porter un regard lucide. Tout d’abord, Joël Giraud l’avait rappelé lors de la lecture définitive de la loi DDADUE en décembre, l’existence de banques trop interconnectées, trop grandes et trop complexes au sein de l’Union bancaire porte un coup à la crédibilité de l’ensemble de ce mécanisme de résolution. Je pense notamment à la crédibilité de son montant, 55 milliards d’euros, ce qui peut, pardonnez-moi le terme, paraître relativement dérisoire comparativement au niveau des passifs des banques universelles à la française, dont le modèle a été préservé dans la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

Le mécanisme prévoyant en cas de crise que les créanciers des banques soient d’abord sollicités à hauteur de 8 % de leur passif parachève la démonstration : il s’agirait de les solliciter, dans le cas de BNP Paribas, pour près de trois fois le montant total du FRU avant que la banque ne puisse y avoir accès !

Ainsi, il est assez prévisible qu’en cas de crise, et en dépit des récents résultats positifs aux stress tests de nos établissements, les grandes banques françaises ne bénéficieront pas du Fonds de résolution, qui sera destiné aux plus petits établissements bancaires européens, alors même qu’elles y contribueront à plein du fait de leur passif très important malgré un niveau de dépôts relativement faible, lié au poids de l’assurance-vie en France.

Le montant total des actifs des banques de la zone euro est en effet plus de cinq cents fois supérieur à celui du Fonds de résolution unique. Ainsi, la mise à contribution des créditeurs ne sera vraisemblable que si le niveau de complexité et d’interconnexion du système bancaire européen est réduit de façon conséquente. C’est d’ailleurs la position de bon nombre d’observateurs internationaux avisés. Une séparation effective des activités bancaires reste le seul moyen d’atteindre ce résultat et la proposition de réforme bancaire publiée par la Commission européenne le 29 janvier 2014 doit demeurer la priorité du Parlement et du Conseil.

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