Intervention de Erwann Binet

Réunion du 5 mai 2015 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwann Binet :

L'amendement CL2 rectifié a pour objet d'étendre la possibilité d'adopter aux couples liés par un pacte civil de solidarité (PACS) et aux concubins. À l'heure actuelle, l'article 343 du code civil n'autorise l'adoption par un couple qu'à la condition que ce couple soit marié depuis plus de deux ans ou que les deux époux soient âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans, sachant que, dans les deux cas, ils ne doivent pas être séparés de corps. Ces conditions sont maintenues par la nouvelle rédaction de l'article 343 que je vous propose, ayant uniquement pour objectif de supprimer l'obligation pour le couple d'entrer dans l'institution du mariage, et non d'alléger le cadre légal de l'adoption, qui suppose d'évaluer le projet parental et son aptitude à répondre aux besoins de l'enfant.

La formalité matrimoniale, qui était conforme au mode de vie prévalant lors de l'adoption de la loi en 1966, paraît aujourd'hui surannée. Exception faite de cette obligation qu'il conviendrait de lever, l'établissement d'un lien de filiation n'est pas soumis à obligation de mariage, ni socialement ni juridiquement : de nos jours, 55 % des enfants naissent hors mariage, alors qu'ils n'étaient que 6 % dans cette situation en 1966.

Par ailleurs, je rappelle qu'une personne seule a la possibilité d'adopter, même si elle se trouve en couple – si elle est mariée, elle doit obtenir le consentement de son conjoint. Enfin, depuis 2012, la Cour de cassation admet que l'adoption effectuée à l'étranger par deux personnes non mariées produit pleinement ses effets en France, en précisant que la condition du mariage pour l'adoption conjointe par des couples unis par le mariage ne consacre pas un principe essentiel reconnu par le droit français. L'obligation du mariage est-elle une garantie de stabilité de son cadre de vie pour un enfant qui a parfois derrière lui une histoire difficile ? Nous savons tous que la réponse est négative, puisque près d'un mariage sur deux se termine actuellement par un divorce.

L'assurance pour l'enfant d'entrer dans une famille répondant à ses besoins et à son intérêt est très largement satisfaite par la procédure d'agrément et l'intervention in fine du jugement d'adoption. L'obtention de l'agrément, préalable indispensable à la démarche d'adoption, implique pour les couples qui s'y engagent de se soumettre à des investigations sociales et psychologiques longues et poussées. Notre droit consacre depuis longtemps, dans ses conséquences sur la filiation, la neutralité des modes de conjugalité. Dès lors, la production d'un acte de mariage pour l'adoption s'apparente aujourd'hui à une obligation purement formelle qui ne doit pas exclure les couples ayant choisi de s'engager dans cette démarche.

Cela dit, après avoir défendu cet amendement, je vais le retirer, m'étant rendu compte qu'il présente un problème de rédaction et de coordination avec l'article 346 du code civil. Je le présenterai à nouveau, après l'avoir réécrit, dans le cadre de l'examen du texte en séance publique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion