Intervention de Gérard Cherpion

Réunion du 6 mai 2015 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion :

Après l'échec des négociations entre les partenaires sociaux au moins de janvier dernier, le Gouvernement a tranché avec ce projet de loi relatif au dialogue social. Mais cet échec du dialogue traduit précisément une désillusion dans un domaine qui constituait pourtant une des grandes ambitions du candidat Hollande. Qui plus est, ce texte arrive dans un contexte de hausse du chômage et, ce matin, les partenaires sociaux nous disaient qu'il n'aurait aucune incidence sur l'emploi, ce qui, il est vrai, n'est pas forcément son objectif.

Il contient des avancées en matière de simplification mais pas de grandes ambitions réformatrices. La création des commissions TPE correspond vraiment à une nécessité : 4,6 millions de salariés sont concernés, c'est une bonne chose. La réforme des instances représentatives du personnel (IRP), visée par les articles 8 et 9, intéresse les entreprises de 50 à 300 salariés pour l'élargissement et l'avancement de la DUP. Je m'interroge sur ce seuil de 300, pourquoi ne pas aller plus loin, peut-être jusqu'à 1 000 de façon à simplifier le système de façon plus conséquente ? Les entreprises de plus de 300 salariés ont la possibilité de regrouper les IRP à la carte et par accords majoritaires. Mais si ces mesures constituent des avancées, il faudrait aller plus loin, et offrir davantage de souplesse aux entreprises ; or rien n'est proposé par rapport au seuil des 50 salariés. J'ai d'ailleurs noté, monsieur le ministre, qu'à aucun moment dans votre propos vous n'avez prononcé le mot « seuil ». Selon une étude de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, le franchissement des seuils apporte un nombre important de 35 obligations supplémentaires et majore indirectement le coût de l'heure travaillée de près de 4 %. Vous aviez proposé, il fut un temps, de suspendre les seuils pour une durée d'un an ; pourquoi n'êtes-vous pas allé jusqu'au bout de cette excellente idée ?

En ce qui concerne la rationalisation de l'agenda social des entreprises, je voudrais vous féliciter, le passage de dix-sept obligations à l'information à trois grandes consultations me paraît très positif. Le regroupement de douze obligations négociées selon des périodes différentes en trois blocs me paraît tout à fait aller dans le bon sens, mais le projet de loi réorganise les obligations existantes sans pour autant les simplifier. Il met de l'ordre dans ce qui était devenu un véritable fouillis dans le code du travail, mais vous précisez bien dans le texte qu'aucun thème de négociation ne pourra être supprimé ; sans forcément parler de suppression, une fusion aurait pu être envisagée.

La possibilité de négocier en l'absence de délégué syndical dans l'entreprise, prévue à l'article 15, pose le problème du mandatement. Ce souci existait déjà à l'époque de la loi sur les 35 heures. On l'a senti ce matin à travers les auditions des partenaires sociaux ; mon sentiment est qu'ils sont globalement hostiles à cette proposition.

Pour ce qui regarde les intermittents du spectacle, j'adhère aux propos de Jean-Patrick Gilles : ce qui m'inquiète, c'est la mise en place d'un mode dérogatoire de négociation, car c'est bien cela qui est inscrit dans le texte. Les professionnels pourraient ainsi proposer leurs propres paramètres d'indemnisation aux partenaires sociaux interprofessionnels qui négocient la convention d'assurance chômage. N'avez-vous pas l'impression que l'inscription dans la loi, geste éminemment politique, pourrait créer un précédent dangereux, dans la mesure où d'autres professions pourraient à leur tour demander à sortir de la convention générale de l'assurance chômage en excipant de particularités qui leur sont propres – les travailleurs saisonniers, par exemple ?

Pour ce qui est de la mise en place du compte personnel d'activité, je vous retournerai le compliment que vous m'avez fait lors du dépôt de ma proposition de loi : vous m'aviez reproché de ne pas avoir consulté les partenaires sociaux. Mais dans le cas présent, vous n'avez pas respecté les dispositions de l'article L. 1 du code du travail en inscrivant dans la loi un dispositif qui, finalement, se résume à un article d'appel pour satisfaire une partie de votre majorité… Et si j'étais dans votre majorité, cela ne me suffirait assurément pas ! Bon nombre de questions se posent, notamment sur le financement de la portabilité des droits : comment éviter une nouvelle hausse du coût du travail, mais également certains effets contre-productifs, particulièrement en ce qui concerne l'embauche des seniors ?

J'avais cru comprendre, madame la ministre, le dispositif de la création de la prime d'activité mais, après votre présentation, j'avoue qu'un bon Dafalgan me sera utile… Je n'ai pas retrouvé dans le texte tous les éléments que vous nous avez expliqués. Pour ce qui est du nombre de bénéficiaires, on recensait environ 6,3 millions de foyers fiscaux concernés par la PPE, et 700 000 personnes par le RSA. On estime que 2,8 millions de personnes devraient bénéficier de la prime d'activité, sur une base de 5,6 millions… J'ai un peu de mal à comprendre, mais vous allez sûrement me fournir des explications et je vous en remercie par avance. Se pose également le problème de l'extension de la prime d'activité aux apprentis, dans des conditions quelque peu complexes, mais nous aurons l'occasion d'y revenir. Quoi qu'il en soit, la nouvelle prime touchera un public plus réduit, et même si ce sera plus intéressant pour certains, il y aura de nombreux perdants dans cette affaire – 820 000 ménages environ, si mes comptes sont justes. Le dispositif intègre les salariés apprentis mais exclut les étudiants et les apprentis en formation initiale, ce qui n'est pas forcément choquant. Je partage votre analyse mais celle-ci mériterait toutefois une explication plus fine sur le niveau de l'indemnisation.

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