Intervention de François Rebsamen

Réunion du 6 mai 2015 à 16h00
Commission des affaires sociales

François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Les organisations syndicales ont alerté, rappelait M. Sirugue, sur la difficulté de trouver un vivier suffisant pour assurer une représentation des TPE dans les commissions paritaires régionales, alors que, de façon un peu contradictoire, d'autres confédérations syndicales souhaitent que ces instances soient surtout composées de représentants de TPE. Le Gouvernement s'est efforcé de traduire une représentation fidèle des salariés, étant entendu que les membres de ces instances seront d'autant mieux à même de comprendre les problèmes des TPE qu'ils y travaillent. Le système représentatif envisagé est donc cohérent avec le rôle de conseil qui, à nos yeux, doit être celui des commissions paritaires régionales. Une meilleure visibilité devrait aussi favoriser la participation aux élections professionnelles dans les TPE : les organisations syndicales pourront en effet, comme elles y tenaient, faire figurer sur leur propagande électorale l'identité des personnes qu'elles envisagent de désigner dans les commissions. Je comprends votre question, monsieur le rapporteur, mais si le vivier des TPE s'avère insuffisant pour pourvoir deux ou trois sièges au maximum dans chaque région, il faut sans doute s'interroger sur l'implantation syndicale. Bref, la nouvelle organisation ne me semble pas soulever de difficultés insurmontables.

Vous m'avez aussi demandé si des études montrent que la DUP, dont le Gouvernement entend relever le seuil de 200 à 300 salariés, favorise l'emploi. Je reviendrai sur les effets de seuil, dont traite l'article 16. En ce domaine, nous avons pris le parti de réformer en profondeur le nombre d'obligations qui s'attachent au franchissement des seuils, afin de rendre le système plus simple et plus clair. C'est notamment le cas de la DUP, au sein de laquelle seront regroupés les délégués du personnel, le comité d'entreprise et le CHSCT. De ce fait, le fonctionnement des instances sera mieux adapté à la taille des entreprises. Quant à la décision d'embaucher, monsieur le rapporteur, elle ne tient pas à un seul facteur ; on entend souvent dire, par exemple, qu'elle dépend aussi du fait de savoir si l'on pourra licencier. Quoi qu'il en soit, le projet de loi apporte plusieurs solutions en ce domaine.

Depuis sa création, la DUP est un réel succès ; elle concerne plus de 60 % des entreprises de 50 à 200 salariés disposant d'une instance représentative du personnel. D'après la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), 24 % des entreprises de 200 à 300 salariés ont une DUP. Certaines entreprises ont au demeurant choisi de garder un comité d'entreprise et une délégation du personnel séparés, et cette possibilité demeurera. Le texte, en tout cas, fluidifiera le fonctionnement de la DUP en élargissant son périmètre. Enfin, nous avons choisi d'harmoniser les seuils, notamment avec le passage de 150 ou 200 salariés à 300. Autant de mesures qui favoriseront le dialogue au sein des entreprises.

On parle beaucoup aussi du mandatement. Le texte, fruit d'une étroite concertation avec les organisations patronales et syndicales, doit avant tout permettre à tous les salariés d'accéder au dialogue social. Il n'est pas acceptable que des centaines de milliers d'entre eux soient privés d'accords d'entreprise sur les salaires, la prévoyance ou l'organisation du temps de travail, et laissés à la seule main de l'employeur. De nouvelles possibilités de négociation seront ouvertes en l'absence de délégué syndical : cela ne modifie en rien, faut-il le rappeler, le système actuel puisque, dans ce cas précis, l'employeur peut d'ores et déjà négocier avec une institution représentative du personnel ou, à défaut, un salarié mandaté. Il pourra toujours le faire, bien entendu, mais, avant toute négociation, il devra vérifier qu'aucun élu n'est mandaté pour négocier en priorité avec lui. Cette mesure, qui ne plaira sans doute pas à tout le monde, constitue par conséquent un encouragement à négocier sous le contrôle des organisations syndicales, et elle élargit le champ de la négociation. Loin d'affaiblir ou de contourner les syndicats, comme certains le craignent, elle en renforce le rôle central.

Une autre crainte s'est exprimée quant à la suppression des commissions paritaires de validation, aujourd'hui saisies, aux termes de la loi, pour des accords signés par des instances représentatives du personnel non mandatées. D'après les remontées du terrain, unanimes, ces commissions fonctionnent très mal dans de nombreuses branches ; aussi proposons-nous de substituer au système actuel un dépôt des accords visés auprès des services de l'État. Toutes les garanties seront donc maintenues.

Plusieurs interventions ont porté sur le compte personnel d'activité. Il s'agit d'une avancée majeure, qui marquera l'histoire sociale de notre pays. Plusieurs comptes individuels ont été créés à l'initiative de la gauche : compte épargne-temps, compte personnel de formation ou compte pénibilité – les partenaires sociaux ont aussi fait une proposition intéressante concernant l'assurance chômage avec les droits rechargeables. L'idée d'une sécurisation sociale des parcours professionnels fut une antienne des années quatre-vingt-dix, reprise par plusieurs formations politiques. Les objectifs sont désormais clairement affichés : lisibilité, portabilité des droits, fongibilité et sécurisation des parcours. Comme le Président de la République l'a justement souligné, le compte personnel d'activité constituera le capital de ceux qui ne possèdent rien d'autre que leur force de travail. Bref, cette proposition n'est en rien un contournement de l'article L. 1 du code du travail : les partenaires sociaux rempliront une coquille dont il serait néanmoins abusif de dire qu'elle est vide. In fine, c'est bien sûr la représentation nationale qui, en tout état de cause, aura à trancher.

M. Gille a précisé les contours du cadre de négociation inédit pour le régime des intermittents. La réforme de l'intermittence associera les organisations représentatives du secteur du spectacle, qui jusqu'alors n'en étaient pas partie prenante, et les organisations interprofessionnelles. L'exigence de représentativité est respectée, puisque les règles spécifiques de l'assurance chômage des intermittents seront élaborées par leurs organisations représentatives. Le régime sera pérennisé, puisque les annexes VIII et X figureront désormais dans la loi. L'interprofession définira la trajectoire financière et les grands principes ; les organisations du monde du spectacle, elles, fixeront les règles et actualiseront la liste des métiers visés : elles ont en effet toute légitimité pour le faire, dès lors qu'elles sont au plus près des réalités du terrain. Le système, on le voit, repose sur la confiance à l'égard des partenaires sociaux. Force est de constater qu'aujourd'hui, on use et on abuse du CDD d'usage…

Vous avez soulevé de vrais sujets, madame Mazetier, et je vais m'efforcer de vous convaincre que le texte comporte d'authentiques avancées, qui d'ailleurs ne remettent nullement en cause, notamment, l'utilité du rapport de situation comparée, non plus que les obligations du code du travail en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Toutes les données du rapport de situation comparée seront intégrées à la base de données unique qui se substituera à lui : il n'y aura donc aucune perte d'information. Cette base de données sera périodiquement actualisée, et la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise inclut l'item « égalité entre les femmes et les hommes ». Le projet de loi prévoit des dispositions similaires pour l'ensemble des rapports existants. Tout le monde, y compris les défenseurs de la cause féministe, a donc à gagner à la simplification proposée.

Le projet de loi ne remet pas davantage en cause l'obligation de négociation en matière d'égalité professionnelle ou, à défaut, l'obligation faite à l'employeur d'établir un plan d'action unilatéral, obligations assorties d'une pénalité équivalant à 1 % des rémunérations, aux termes de l'article L. 2242-5-1 du code du travail. Cet article, dans la numérotation simplifiée, deviendra le L. 2242-9.

Les obligations touchant à la mise en oeuvre d'un plan d'action et à son dépôt auprès de l'administration demeurent : les articles visés, L. 2323-47 et L. 2323-57, deviennent le 2° de l'article L. 2323-17. Je conviens de l'aspect « jeu de piste » de la chose, mais le projet de loi, loin de remettre en cause les acquis en matière d'égalité entre hommes et femmes, permet des progrès considérables, en particulier à travers l'obligation d'une représentation équilibrée lors des élections professionnelles : c'est là une réforme de grande ampleur, qui d'ailleurs n'est pas accueillie avec beaucoup d'enthousiasme par les organisations professionnelles.

Mme Mazetier m'a aussi interrogé sur la parité au sein des commissions territoriales. Le texte ne reprend pas cet objectif au demeurant légitime, certains partenaires sociaux ayant fait valoir, comme je l'ai rappelé, qu'il serait déjà difficile de trouver, au sein des TPE, suffisamment de candidats pour siéger dans ces instances. Je reste néanmoins ouvert, bien entendu, à toute solution intelligente.

Quant à la question d'accorder un bonus à ceux qui iraient au-delà de l'effet de miroir, madame Mazetier, le Gouvernement a opté pour une représentation équilibrée, fondée sur le poids respectif de chaque sexe au sein du corps électoral. Faire mieux en faveur de l'un des deux sexes, comme vous le suggérez, est discutable car cela revient par définition à désavantager l'autre. Notre objectif est d'assurer le respect de l'équilibre des sexes au sein des entreprises, de la même façon que la parité, en politique, est en quelque sorte un miroir de la société.

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