Intervention de François Rebsamen

Réunion du 6 mai 2015 à 16h00
Commission des affaires sociales

François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Le véritable objectif est la mixité des métiers ; même une représentation strictement paritaire ne permettrait pas de l'atteindre. Ce n'est pas en bougeant le miroir, si vous me passez l'expression, que l'on améliorera l'égalité entre les femmes et les hommes dans le monde du travail, mais bien en travaillant sur la mixité des métiers. Reconnaissez avec moi que les mesures présentées par le Gouvernement représentent des avancées majeures.

S'agissant de l'accompagnement je comprends l'objectif, mais une règle qui favoriserait l'un des deux sexes dans les conditions d'exercice du mandat constituerait une rupture d'égalité : elle me semble donc impossible juridiquement. Les mesures relatives à la validation des acquis de l'expérience (VAE) ou à l'entretien professionnel doivent en tout cas bénéficier aux femmes.

M. Liebgott, M. Robiliard et Mme Carrey-Conte m'ont interrogé sur la représentation des salariés au sein des conseils d'administration : c'est là un enjeu majeur pour mettre les salariés au coeur de la performance économique des entreprises. Chacun cite en exemple, à juste titre, le cas de Volkswagen en Allemagne. Une première avancée est intervenue dans le cadre de la loi de sécurisation de l'emploi, qui rend obligatoire cette représentation dans les entreprises de plus de 5 000 salariés – ou de plus de 10 000 à l'international quand le siège est en France. Mais cette mesure sous-estimait l'intelligence dont savent faire preuve certains pour contourner la loi : seules trente-trois sociétés dont les actions sont prises en compte pour le calcul de l'indice SBF 120 (sociétés des bourses françaises) ont désigné des représentants des salariés au sein de leur conseil d'administration… C'est bien sûr insuffisant. Le Gouvernement est donc ouvert à une nouvelle discussion sur le sujet.

M. Cherpion a émis, sur les commissions paritaires régionales, des opinions opposées à celles de son collègue de l'UMP M. Delatte. Par le fait, les deux positions existent : celle de l'UPA, selon laquelle ces instances fonctionnent bien ; celle de la CGPME, qui soutient le contraire. Mme Le Callennec, de son côté, a évoqué la Fédération française du bâtiment (FFB), qui, sur la question de la représentation, est en conflit avec l'UPA et relève à la fois du MEDEF et de la CGPME. J'ai rencontré son président et me suis efforcé de le convaincre. Le système fonctionne pour l'UPA et pour la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB : il n'y a pas de raison qu'il n'en aille pas de même pour la FFB. Ne jouons pas à nous faire peur…

La simplification a été saluée, par exemple sur le regroupement des dix-sept obligations d'information et de consultation du CE en trois grandes consultations ; elle permettra de mieux prendre en compte les enjeux stratégiques et les préoccupations des salariés.

Sur les seuils, nous avons tout de même un peu avancé. Le Gouvernement a opté pour une harmonisation en relevant à 300 salariés les seuils actuellement fixés à 150 et à 200. Le seuil de 300 salariés, outre qu'il existe déjà, a l'avantage d'être celui à partir duquel la représentation syndicale est pour ainsi dire générale, puisque celle-ci atteint alors 95 % – et 93 % pour les instances représentatives du personnel. Lors de ma prise de fonction, j'ai proposé aux responsables de l'ensemble des organisations syndicales de suspendre, pendant deux ou trois ans, l'application du seuil de cinquante salariés, d'autant que la loi prévoit déjà un délai d'application d'un an : cela, leur avais-je fait observer, priverait le patronat de son argument selon lequel cet effet de seuil empêcherait la création de 500 000 à 1 million d'emplois. Mais les organisations syndicales ayant rejeté cette proposition, je ne l'ai pas retenue. Du coup, l'argument patronal demeure…

Le compte personnel d'activité, je le répète, n'implique en rien un contournement de l'article L. 1. Les partenaires sociaux seront consultés, mais il est normal que la représentation nationale fixe le cadre ; j'ai déjà fait part de mes observations sur certaines propositions.

M. Vercamer nous reproche un certain immobilisme sur les seuils ; mais la majorité à laquelle il appartenait n'a rien changé aux 35 heures qu'elle ne cessait pourtant d'incriminer, non plus d'ailleurs qu'aux seuils, pendant les dix années où elle fut aux affaires.

L'idée d'une sécurisation des parcours professionnels, je l'ai dit, n'est pas nouvelle. Sur ce point, je réserve la primeur de mes suggestions à ma formation politique, qui, je l'espère, les fera sienne. Les partenaires sociaux seront bien entendu associés à la réflexion.

Le Premier ministre a confié à Jean-Denis Combrexelle, expert reconnu, une mission sur la hiérarchie des normes. Comment concilier protection des salariés et contraintes économiques des entreprises ? Les deux objectifs ne s'opposent pas mais leur équilibre est délicat, d'autant qu'on ne peut balayer l'histoire d'un revers de main. Nous devons nous garder de toute vision idéologique, et attendre les conclusions de la mission à l'automne.

La loi, madame Massonneau, donnera aux commissions paritaires régionales tous les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement, sans aucune charge supplémentaire pour les entreprises. Les pertes de salaire, pour les 180 membres de ces instances, seront compensées par le fonds paritaire de financement du dialogue social, institué par la loi du 5 mars 2014 ; cela ne représentera que 0,41 % de ses ressources. Lesdits membres bénéficieront aussi d'autorisations d'absence et d'une protection. Ainsi conçu, le dispositif paraît satisfaire les organisations syndicales et patronales.

Pourquoi, madame la présidente, l'exposé des motifs du projet de loi précise-t-il que les moyens des élus seront « globalement » – et non « totalement » – « préservés » ? Parce qu'il y aura, tout de même, quelques légères différences, sur lesquelles les partenaires sociaux se sont aussi interrogés : par exemple, les heures de délégation, pour les membres des DUP et des CHSCT dans les entreprises de 50 à 174 salariés, passeront de 66 à 65. Les moyens seront bel et bien conservés, comme je l'avais initialement annoncé.

Je crois avoir répondu aux questions de Mme Le Callennec. Le compte personnel de formation n'est ouvert que depuis quatre mois ; j'ai réuni les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) avant-hier pour les mobiliser, notamment sur la simplification et la mise à jour du système informatique. Le dispositif fonctionnera. À ce stade, 1,4 million de comptes ont été ouverts ; les formations doivent ensuite être certifiées, ce qui, j'en conviens, prend du temps. J'ai demandé aux OPCA d'accélérer le processus, l'inventaire et le répertoire impliquant une double vérification. Les choses, à n'en pas douter, auront avancé dans quelques mois. Sur le compte de prévention de la pénibilité, nous attendons les propositions de M. Sirugue. Le compte personnel d'activité, qui regroupera le compte de pénibilité, le compte de formation et le compte épargne-temps, ouvrira en tout cas de nouveaux droits aux salariés.

Mme Touraine et moi-même, monsieur Sebaoun, avons confié à Michel Issindou une mission sur l'aptitude et la médecine au travail. Le rapport nous sera remis d'ici une quinzaine de jours ; nous pourrons donc suivre ses préconisations, en concertation avec les partenaires sociaux, pour enrichir le projet de loi, sans doute dès son examen en première lecture.

Les procédures particulières du CHSCT seront préservées, monsieur Robiliard ; la spécialisation des équipes de la DUP sur les questions relevant du CHSCT a fait l'objet d'un débat avec les organisations syndicales. Dans la mesure où les élus auront plus d'heures de délégation, la question des conditions de travail prendra, je le crois, une place de plus en plus importante. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement reste attentif à ce sujet.

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