Intervention de Bérengère Poletti

Séance en hémicycle du 12 mai 2015 à 15h00
Protection de l'enfant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, force est de constater que, malheureusement, notre pays peut et doit progresser en matière de protection de l’enfant.

En dépit des textes, notamment celui de 2007, clairement positionnés dans une analyse objective des difficultés et dans une volonté de réforme, les dysfonctionnements persistent et ce sont, hélas, les actualités morbides qui les mettent en lumière.

Ainsi, l’affaire de la petite Marina en 2009 a jeté à la figure des Français l’aveuglement des pouvoirs publics. « Deux enfants meurent encore chaque semaine dans notre pays de mauvais traitements infligés au sein de leur milieu familial ; 100 000 enfants seraient en danger et parmi eux 20 000 seraient à proprement parler maltraités ». Je cite là les propos de Mme la rapporteure dans son introduction.

Le projet de loi déposé au Sénat relatif à la protection de l’enfance vise à améliorer le dispositif actuel dans l’intérêt de l’enfant sans toutefois remanier en profondeur la loi du 5 mars 2007, considérée comme bonne dans son ensemble.

Comme le relevait Mme la secrétaire d’État lors de son audition en commission, la loi doit exister et être améliorée, mais elle est bien peu de choses face à ce fléau : « Certes, la loi doit exister, car elle manifeste la volonté politique, l’intérêt de l’État à se porter garant du sort des enfants, mais l’essentiel se joue dans les pratiques professionnelles et les doctrines sur lesquelles s’appuient les élus, mais aussi les services des conseils départementaux. De fait, on peut toujours faire une loi, mais dans quatre ou cinq ans, on s’apercevra qu’elle est diversement appliquée comme toutes les précédentes. » Je partage votre analyse, madame la secrétaire d’État.

La volonté du législateur porte sur trois objectifs principaux : améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l’enfance ; rendre le système plus efficace à tous les stades – prévention, repérage, prise en charge – et sécuriser le parcours de l’enfant protégé.

Ces objectifs recouvrent l’essentiel des préoccupations relatives au secteur d’intervention.

Toutefois, au-delà de ces principes affichés, le contenu des différentes propositions semble assez loin des ambitions initialement évoquées. D’abord parce que derrière cette volonté de réformer partiellement la loi du 5 mars 2007 s’engage le débat concernant les moyens dont disposent les conseils départementaux pour mener à bien la mission qui leur est confiée.

Dans un contexte où l’État diminue ses contributions au bénéfice des collectivités et ne compense que partiellement les dépenses liées aux solidarités, la volonté d’améliorer le fonctionnement du secteur peut paraître comme une injonction paradoxale.

Comment, en effet, proposer un accompagnement aux familles quand les départements n’ont pas les moyens de proposer mieux aux enfants confiés et à leurs familles, alors même que le nombre de mesures d’assistance éducative augmente ?

Par ailleurs, le contenu de la proposition de loi peut, sous certains aspects, paraître technocratique, traitant la forme plutôt que le fond, alors même que la simplification des procédures est un impératif pour les professionnels de terrain, trop souvent engagés dans le traitement d’actes administratifs au détriment de l’accompagnement.

Ce manque de moyens se manifeste au niveau de l’encadrement. Ainsi, dans les Ardennes, on ne comptabilise qu’un adulte encadrant pour trente-cinq enfants, tout en constatant une dynamique de dépenses en nette accélération, et des besoins de plus en plus importants, y compris au niveau de l’accueil des mineurs isolés étrangers, tout cela, bien sûr, dans un contexte de baisse des dotations des collectivités territoriales. À titre d’exemple, le seul conseil départemental des Ardennes enregistre une baisse de près de 4 millions d’euros annuels.

Les bonnes intentions sont louables et nous ne pouvons que les cautionner et les encourager. Mais il faut aller au-delà et accorder aux conseils départementaux les moyens dont ils ont besoin, de façon vitale, pour assurer leur mission, être au rendez-vous et appliquer ce qui existe déjà dans la loi, à savoir les projets pour l’enfant.

On peut ainsi saluer les améliorations proposées par ce texte, qui vont entraîner mon vote d’adhésion, mais regretter en même temps que chaque nouveauté, parfois coûteuse, n’entraîne pas les compensations financières qui devraient l’accompagner.

Le Sénat a supprimé quelques dispositifs du texte initial, les considérant comme complexes, coûteux ou superposant des dispositifs existants. Le texte que nous examinons aujourd’hui cherche légitimement à supprimer des handicaps qui entravent la mise en place d’une bonne politique de la protection de l’enfance. Il s’agit des disparités territoriales, inhérentes à la décentralisation de ces politiques, de l’insuffisance de coopération entre les différents secteurs, du blocage de la circulation des informations, mais aussi de la volonté parfois néfaste de préserver à tout prix le lien familial, …

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