Intervention de Marie-Françoise Leflon

Réunion du 6 mai 2015 à 9h00
Commission des affaires sociales

Marie-Françoise Leflon, secrétaire générale de la CFE-CGC :

Après l'échec d'une négociation rendue impossible par l'affrontement de positions inconciliables entre, d'une part, le patronat qui préconisait une simplification excessive des procédures de dialogue social, et, d'autre part, les syndicats qui souhaitaient son enrichissement, la CFE-CGC salue les efforts de ce projet de loi pour parvenir à une position équilibrée, conforme au document d'orientation issu de la Conférence sociale et dont nous avions approuvé les grandes lignes.

Toutefois, nous restons dans l'attente des décrets d'application qui, seuls, nous permettront de juger de la pertinence des mesures et des moyens mis en oeuvre pour favoriser l'expression des salariés et la concertation, au sein des entreprises, entre les élus et la direction. Le renforcement des espaces de concertation, la loyauté des informations et de la consultation, le partage de la stratégie, la démultiplication des avis ne sont pour l'heure que des postulats, dont la concrétisation dépendra de ces décrets. En l'absence de plus de visibilité, la CFE-CGC demeure donc très prudente en l'état actuel du projet de loi, qui comporte, à nos yeux, quelques points faibles et d'autres plus dangereux, porteurs notamment de risques contentieux.

Nous prenons acte du fait que la loi entend développer et favoriser les parcours des militants en valorisant le fait syndical, en posant des règles simples de garanties salariales et en faisant progresser la parité entre hommes et femmes dans les instances de représentation. Toutefois, ces parcours peuvent être améliorés, soit par une évaluation syndicale en fin de mandat, soit par une redéfinition du partage des missions entre le travail et le temps syndical.

Nous sommes favorables à la sanctuarisation des mandats externes. C'est une revendication que nous portons depuis longtemps dans le cadre du dialogue par branche ou du dialogue interprofessionnel. Cette représentation s'effectue actuellement sur les heures de délégation, ce qui signifie qu'elle dépend de la bonne volonté des chefs d'entreprise et de leur propension ou non à donner au dialogue social les moyens de se développer.

Le texte demeure faible sur les administrateurs salariés instaurés par la loi de 2013. Le nombre d'heures de formation dont ils bénéficient reste insuffisant ; par ailleurs, le texte ne fait droit à aucune de nos demandes dans ce domaine, qu'il s'agisse de l'abaissement du seuil des effectifs au-delà duquel un tiers des sièges doit être réservé aux salariés, avec voix délibératives, de la reconnaissance du deuxième collège ou de la participation de ces administrateurs salariés aux holdings de tête dont les effectifs ne dépassent pas cinquante salariés.

Nous approuvons dans son principe l'article 1er. Toutefois, nous ne pouvons cautionner la règle de répartition proportionnelle des représentants selon l'audience obtenue par leurs organisations au niveau régional. Nous considérons qu'il aurait été plus simple, plus juste et plus efficace de s'appuyer sur le système des commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l'artisanat (CPRIA), qui existe depuis 2001. De même, nous ne pouvons accepter que le nouveau dispositif soit également financé par la taxe de 0,016 % instaurée par la loi de 2014, dans la mesure où son coût n'avait pas été intégré dans les estimations faites à l'époque.

Concernant le rôle des suppléants, sur qui repose la transmission des compétences, nous regrettons que le projet de loi ne prévoie leur présence que lors de la consultation relative aux orientations stratégiques. Il aurait été préférable que ce cantonnement ne soit possible que sur la base d'un accord collectif.

De même, nous estimons que l'affectation d'un seul secrétaire à la DUP est très insuffisante, compte tenu de l'élargissement de ses attributions, qui requièrent des compétences dans des domaines aussi divers que l'économie, l'hygiène ou les conditions de travail et sachant qu'il n'y aura plus qu'un seul ordre du jour, d'autant plus important que l'entreprise comptera de salariés.

Nous regrettons enfin que le texte ne prévoie pas le recours à l'expertise en matière de politique sociale. Pour ce qui relève de la consultation du CE, celle-ci est mise sur le même plan que les orientations stratégiques et la situation économique et financière de l'entreprise, alors qu'il s'agit précisément du domaine dans lequel le dialogue social doit être renforcé.

Notre désaccord est profond, enfin, sur trois points, qui nous semblent particulièrement dangereux :

Premièrement, il est inacceptable de permettre des négociations dérogatoires, avec des élus mandatés ou non, sans que cela soit assorti de précautions.

Deuxièmement, nous ne pouvons accepter, même dans l'hypothèse où cela résulterait d'un accord majoritaire, de déroger à la périodicité de la négociation sur les salaires, qui doit demeurer annuelle. Ce rendez-vous important sur le partage des fruits de l'activité de l'entreprise n'est pas négociable.

Troisièmement, nous regrettons profondément la prépondérance accordée au groupe sur tout autre niveau de consultation. Le rôle du comité central d'entreprise n'étant pas clarifié, le risque est notamment que le dialogue social s'éloigne des réalités du terrain et perde, localement, de son efficacité.

La CFE-CGC souhaite donc que le projet soit amélioré, de manière à renouer avec la philosophie originelle qui l'a inspiré et qui visait à accroître l'efficacité du dialogue social tout en lui conservant sa richesse.

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