Intervention de Agnès le Bot

Réunion du 6 mai 2015 à 9h00
Commission des affaires sociales

Agnès le Bot, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT :

En théorie, nous considérons que traiter conjointement, au sein d'une même instance représentative, des questions liées au développement économique et financier de l'entreprise et celles qui touchent à la santé au travail est une bonne chose. Cependant, l'entreprise n'est pas le monde des Bisounours, même quand les IRP y fonctionnent correctement, et la logique de rationalisation qui sous-tend ce projet de loi risque d'aboutir progressivement au passage à la trappe des questions de santé au travail et de conditions de travail. J'en veux pour preuve mon expérience de DUP dans ce qui était à l'époque le plus grand multiplexe cinématographique de France, avec cent cinquante salariés, où il a fallu l'intervention du CHSCT pour pouvoir protéger les deux salariés qui fabriquaient le pop-corn et qui se brûlaient car ils étaient mal équipés. S'il veut être porteur de progrès dans l'entreprise et dans la société, le dialogue social ne peut faire l'impasse sur ces questions. Nous ne considérons donc pas ce projet de loi comme un texte équilibré. Si nous saluons les avancées accomplies en matière de représentation collective des salariés des TPE, les autres dispositions concernant les IRP font que, globalement, il n'est pas bénéfique pour la majorité des salariés.

Nous demandons que l'annualisation et la mutualisation des heures soient possibles, entre titulaires mais aussi entre titulaires et suppléants, afin d'éviter qu'elles soient perdues ou mal utilisées. Nous ne sommes pas opposés à ce que cette mesure soit assortie de garde-fous, pour empêcher que toutes ces heures soient utilisées en une seule fois.

En ce qui concerne le mandatement, nous considérons que c'est aux délégués syndicaux qu'il revient en priorité de négocier les accords d'entreprise, dans la mesure où les organisations syndicales sont légitimées par le vote des salariés et qu'elles négocient en leur nom à tous. En l'absence de délégué syndical, cette mission pourra être confiée à un représentant du personnel, mandaté par les organisations syndicales, comme ce fut le cas lors des négociations sur les 35 heures. Nous y voyons un moyen de renforcer la présence syndicale dans les entreprises, ce qui est l'un de nos combats.

On parle beaucoup des effets de seuil, qui font l'objet d'une multitude d'études, dont certaines proprement abracadabrantes. Je vous renvoie, pour ma part, à celle de l'INSEE, qui démontre que les seuils sont sans effet sur les créations ou les suppressions d'emploi. Aborder le dialogue social à travers ce seul prisme risque donc de nuire à son efficacité et de nous détourner de nos objectifs.

Permettre aux suppléants des représentants du personnel et des délégués du personnel d'assister aux réunions plénières est extrêmement important pour le bon développement des IRP. Les suppléants, en effet, qui sont appelés pour certains à devenir titulaires, ont besoin de se former. Cela garantit, en outre, la continuité des actions menées par ces instances. Nous déplorons donc que certains abordent le dialogue social par le petit bout de la lorgnette en ne se focalisant que sur le coût que représentent ces suppléants, au lieu de considérer ce qu'ils peuvent apporter à l'entreprise, aux salariés comme aux employeurs.

Nous avons fait plusieurs propositions visant à améliorer le fonctionnement des commissions paritaires mises en place pour la représentation des salariés des TPE. La région nous paraît un cadre trop large, peu propice à la proximité avec les TPE, qui ont un fort besoin de dialogue social. Ces commissions doivent pouvoir traiter de la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) et disposer de plus de moyens, le projet de loi limitant à cinq heures par mois, au-delà du temps de présence en commission, le temps alloué à leurs représentants. Les organisations syndicales doivent faire en sorte de réfléchir à la manière de se déployer au mieux, dans le cadre de ces instances, en direction des TPE, mais cela exige de faire évoluer leur statut pour que leurs représentants aient un vrai rôle de DP et que la concertation puisse s'organiser au mieux lorsqu'un salarié porte réclamation.

En matière de hiérarchie des normes, nous prenons acte du fait qu'une mission sur le sujet vient d'être confiée au président de la section sociale du Conseil d'État. Il est grand temps, en effet, de procéder à une évaluation des effets induits sur les garanties individuelles et collectives par le mouvement d'inversion de la hiérarchie des normes et la multiplication des accords dérogatoires à l'oeuvre dans notre pays depuis un quart de siècle. Une grande majorité de salariés est encore couverte par des conventions collectives, mais celles-ci peinent à produire de la norme du fait de leur trop grand nombre – c'est la raison pour laquelle la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) réfléchit actuellement à un regroupement des branches professionnelles. Dans une économie comme la nôtre, caractérisée par une forte hétérogénéité et une importante interdépendance des entreprises, l'accord d'entreprise ne peut être considéré comme l'alpha et l'oméga de la construction de normes sociales. Au contraire, au lieu de contribuer à renforcer les garanties collectives, il contribue, selon nous, à les émietter.

Les organisations syndicales font preuve d'un certain volontarisme pour accroître la participation des salariés aux élections professionnelles, sachant néanmoins que, là où il existe des IRP, la participation est déjà supérieure à 60 %, preuve que les salariés nous reconnaissent un rôle utile. En matière de mixité des listes, nous pensons que, sans dénaturer l'objectif de la parité, un peu de souplesse est nécessaire dans le dispositif, en particulier pour les TPE, où il est parfois difficile de constituer des listes syndicales – nous vous ferons des propositions en ce sens.

La CGT a joué un rôle actif pour trouver une issue au conflit des intermittents. Nos organisations divergent sur ce point, mais nous sommes, pour notre part, satisfaits par les dispositions du projet de loi, notamment l'officialisation du comité d'expertise.

Notre avis sur la prime d'activité est, en revanche, mitigé, car cette mesure risque de passer à côté de ses objectifs : il y a peu de chance en effet que, à budget constant, cette prime améliore la situation des salariés. Nous estimons que la question doit être abordée de manière plus globale, dans le cadre d'une conférence sociale sur l'emploi et les salaires.

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