Intervention de Marie-Alice Médeuf-Andrieu

Réunion du 6 mai 2015 à 9h00
Commission des affaires sociales

Marie-Alice Médeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de Force ouvrière, FO :

Le fait que, dans notre pays, un accord national interprofessionnel couvre l'ensemble des salariés et qu'un accord de branche couvre l'ensemble des salariés de la branche n'incite pas forcément les salariés à se syndiquer. Cela étant, le taux de syndicalisation est également tombé à 17 % en Allemagne et il est en diminution dans d'autres pays où représentation et adhésion syndicales sont liées.

À notre sens, le mandatement n'est pas de nature à améliorer cette situation, et il est contraire au principe selon lequel sont légitimes les organisations majoritaires issues des élections professionnelles. Nous considérons donc qu'il est préférable de s'orienter vers des mesures susceptibles de conforter la présence syndicale dans l'entreprise, et c'est dans cette optique que nous avons saisi le Comité de la liberté syndicale de l'OIT sur la possibilité de rétablir, ainsi qu'il en avait fait la demande au Gouvernement, la libre désignation du délégué syndical, conformément à la convention n° 87 de l'OIT. Le Gouvernement n'a, pour l'heure, pas répondu, ce dont lui donne pourtant l'occasion ce projet de loi.

Nous ne sommes pas défavorables aux DUP dans la mesure où les instances qu'elles regroupent conservent leurs prérogatives. En revanche, ce que propose ce projet de loi s'apparente davantage à une fusion qu'à un regroupement puisque les IRP ne conservent pas leurs moyens, un titulaire étant, par exemple, remplacé par deux suppléants, lesquels ne siègent pas. Les CE doivent gérer une multitude d'informations liées à l'incessante mise en oeuvre de dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles, à quoi s'ajoutent leurs activités sociales et culturelles, ainsi que la tenue de diverses commissions obligatoires. Ils ont donc besoin de moyens humains, et leurs tâches sont d'ordinaire réparties entre titulaires et suppléants.

En ce qui concerne les heures de délégation, leur mutualisation n'engendre aucun coût supplémentaire puisque ce que nous réclamons, c'est une mutualisation annuelle, permettant d'utiliser les heures qui ne le seraient pas pour cause de congés annuels ou de congés maladie.

Notre organisation est très attachée à la hiérarchie des normes, qui protège l'ensemble des salariés. Au sein de l'entreprise, les négociations pour aboutir à un accord sont parfois difficiles. Par ailleurs, en 2013, 123 000 procès-verbaux de carence ont été dressés à l'occasion des élections, soit autant d'entreprises dépourvues d'IRP auxquelles il faut ajouter celles, nombreuses, qui devraient organiser des élections mais ne le font pas. On ne peut donc parler d'égalité de droits entre les salariés. La hiérarchie des normes est donc, à nos yeux, essentielle pour protéger les salariés, a fortiori lorsque, dans un contexte difficile qui donne lieu à des négociations tendues, ceux-ci peuvent se trouver exposés à des formes de chantage, auxquelles ils sont d'autant plus vulnérables qu'ils n'ont pas de couverture syndicale.

Dire que les seuils existant en matière de représentation des salariés posent problème relève de l'idéologie. D'ailleurs, la question n'a guère été abordée par les organisations patronales lors de la négociation sur la modernisation du dialogue social. En réalité, ce sont les seuils administratifs et la paperasserie qu'ils entraînent qui sont problématiques ; c'est donc au Gouvernement et non aux partenaires sociaux d'y remédier.

Nous ne sommes pas défavorables à la prime d'activité. Quant au compte personnel d'activité, nous n'avons pas assez d'éléments pour pouvoir nous prononcer : quoique l'idée soit intéressante, nous restons prudents.

Nous insistons sur le rôle que doit conserver le CHSCT au sein de la DUP. Il n'est pas question qu'il ne puisse plus s'emparer des problèmes touchant à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, qui relèvent de la responsabilité de l'employeur et dont l'assurance maladie ne doit pas avoir à assumer les conséquences. Le CHSCT doit garder intactes ses facultés d'investigation, ce que semble compromettre la mise en place d'une expertise commune entre les différentes instances : en effet, le CE quand il cherche à s'informer sur la situation générale de l'entreprise et sa stratégie, fait appel à des experts-comptables, tandis que le CHSCT s'en remet à des médecins du travail, à des experts en santé et en organisation du travail, dans un champ distinct. Dans un contexte économique difficile, marqué par une recrudescence des risques psychosociaux et de la souffrance au travail, nous refusons que le CHSCT soit mis en difficulté et qu'il perde sa capacité à agir dans l'urgence. S'il est inclus dans la DUP, il doit garder sa personnalité juridique et morale.

La représentation des salariés des TPE figurait parmi nos demandes. Cependant, telles qu'elles sont conçues, nous craignons que les commissions paritaires ne puissent pas obtenir les résultats escomptés. Cantonnées à un rôle d'information et de conseil, qui plus est à l'échelle régionale – dans treize régions élargies –, et leurs représentants ne disposant que de cinq heures de délégation, elles risquent fort de ne pouvoir appréhender correctement les problématiques des TPE. Que penser enfin du fait que l'accès des entreprises soit interdit à leurs membres : c'est inimaginable ! Nous réclamons que ces commissions soient des instances de conciliation, ce qui a tout son sens lorsqu'on sait que 80 % des recours devant les prud'hommes émanent de salariés de TPE et qu'ils sont souvent liés à des questions d'interprétation de la convention collective. Elles doivent aussi pouvoir proposer aux salariés des activités sociales et culturelles. Quant à leur composition, nous sommes favorables à un panachage entre représentation nationale et représentation régionale. Quid, en effet, des régions, comme la Corse ou les DOM, où il n'y a pas d'organisations syndicales représentatives au niveau national ?

En ce qui concerne la mixité, nous considérons qu'en proposant une mesure répressive plutôt qu'incitative – par exemple, une augmentation des heures de délégation –, le texte ne va dans le bon sens : il n'est pas normal que des salariés élus voient leur élection annulée au motif que la liste sur laquelle ils se présentaient n'était pas équilibrée. Si la mixité est mal assurée sur les listes syndicales, c'est avant tout pour des questions de rémunération ou de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

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