Intervention de Alexandre Saubot

Réunion du 6 mai 2015 à 9h00
Commission des affaires sociales

Alexandre Saubot, chef de file MEDEF sur le dialogue social :

Je regrette l'échec de la longue négociation menée entre octobre 2014 et janvier 2015, d'autant que nous étions tout près du but. Les propositions du MEDEF dans cette négociation portaient le germe de réformes structurelles ambitieuses et structurantes pour les entreprises et le fonctionnement du dialogue social. L'objectif était simple : rebâtir sur le principe de la confiance le dialogue social, aujourd'hui enseveli sous un empilement de règles formelles, souvent redondantes ou incohérentes ; le réinventer pour en faire à la fois un facteur de compétitivité pour l'entreprise et de progrès social pour le salarié. Nous sommes convaincus que seule une réforme profonde des outils du dialogue social lui redonnera toute sa valeur et son efficacité.

Le projet de loi que vous allez examiner reprend quelques idées que nous avions portées dans la négociation, mais il lui manque l'essentiel : la vision d'une réforme d'ensemble. Alors que le système que nous avions élaboré aurait réglé la question pour bon nombre d'années, elle n'est aujourd'hui traitée que très partiellement.

Parmi les quelques reprises positives, je note le regroupement des consultations en trois temps forts, le regroupement de la négociation et la possibilité d'en négocier la temporalité, la possibilité d'organiser des réunions communes sur des sujets intéressant plusieurs instances, la réduction du nombre des réunions obligatoires et la meilleure articulation entre instances. Si cet apport de cohérence et de simplicité ne peut qu'être salué, malheureusement, il ne suffira pas pour abandonner le formalisme et les postures au profit de discussions structurantes pour l'entreprise.

Beaucoup d'autres dispositions du texte suscitent des réserves de notre part. Les dispositions relatives aux instances de représentation du personnel, bien qu'étant source de simplification, restent très éloignées de l'instance unique qui est, selon nous, le seul outil qui permette de repenser en profondeur la mission de représentation du personnel dans l'entreprise.

La délégation unique du personnel ne manque pas de susciter des interrogations. D'abord, pourquoi le seuil est-il relevé à 300 salariés ? Sachant que de nombreuses entreprises de taille intermédiaire (ETI) vont franchir ce seuil dans leur pleine période de croissance, cela n'a aucun sens. Quitte à fixer un seuil, autant le faire au moins à 1 000 salariés, pour que cette simplification bénéficie vraiment à notre pays qui en a tant besoin. Ayons conscience que l'existence de trois instances est une spécificité française qui n'est pas de nature à améliorer l'attractivité de notre pays. On aura beau simplifier, en les maintenant toutes trois, on conserve toute l'absurdité du système vis-à-vis du reste du monde ainsi que sa fragilité.

Ensuite, deux aspects de la possibilité de fusion par accord nous étonnent. Pourquoi n'ouvrir cette faculté qu'au-delà de 300 salariés ? C'est tout le charme de notre droit du travail que de fixer des obligations et de refuser la confiance aux dirigeants et aux salariés pour élaborer ensemble les outils les plus adaptés au bon fonctionnement de l'entreprise.

Une remarque, au passage, sur la consultation des instances représentatives du personnel (IRP). Au prétexte de la simplification, on rajoute un nouveau thème de négociation sur un périmètre plus large qu'auparavant, concernant l'articulation entre vie personnelle et professionnelle ; on inclut également la notion de lutte contre les discriminations en matière de recrutement, ce qui est également un nouveau domaine.

S'agissant de la négociation en l'absence de délégué syndical, nous ne comprenons pas la tutelle qui est imposée. Loin de nous l'idée de remettre en cause le monopole de négociation des syndicats lorsqu'ils sont présents dans l'entreprise. Mais lorsqu'ils sont absents, la négociation n'a de sens que si elle a lieu dans l'entreprise. Nous ne voyons pas à quel titre ce mandatement et cette tutelle auraient leur place dans une réforme.

Les commissions paritaires régionales figuraient dans le projet d'accord porté par le MEDEF dans le cadre d'une réforme d'ampleur, complète et systémique, qui apportait des réponses d'avenir. Nous ne voyons pas ce qu'elles viennent faire aujourd'hui, dans ce texte partiel qui traite des sujets regardant les entreprises de plus de cinquante salariés. Faisons confiance aux territoires. L'UPA a montré que certains secteurs ont été capables de s'organiser. Et cessons de fixer de nouvelles obligations quand on ne traite pas un sujet dans son ensemble.

S'agissant de la représentativité patronale, la loi du 5 mars 2014 est inachevée. En fixant des règles différentes dans les différents domaines d'intervention du dialogue social – création de normes, répartition des sièges, partage des subventions – elle pose de nombreux problèmes, crée un système bancal et instable.

En ce qui concerne le régime des intermittents du spectacle, nous sommes très inquiets de la sanctuarisation des annexes 8 et 10 de la convention d'assurance chômage, qui constitue une brèche dans la négociation paritaire interprofessionnelle et dans la gestion du régime d'assurance chômage. Il eût été tout à fait possible d'organiser, comme on le fait avec les autres secteurs, en marge des négociations, des discussions avec les organisations sectorielles. Une fois qu'on a accepté un régime dérogatoire pour quelqu'un, à quel titre pourrait-on le refuser à un autre ?

Enfin, nous déplorons l'intervention de l'État, via un comité d'experts, dans un processus de négociation strictement paritaire.

Quant à la sécurisation des parcours professionnels, le MEDEF est prêt à en discuter, mais il réclame plus de détails et, surtout, que ce dispositif s'articule correctement avec la problématique de flexisécurité et l'ensemble de la réflexion sur la flexibilisation du marché du travail.

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