Intervention de Michel Heinrich

Séance en hémicycle du 19 mai 2015 à 21h30
Transition énergétique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Heinrich :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame et messieurs les rapporteurs, mes propos porteront sur la problématique des déchets, de la filière REP – responsabilité élargie des producteurs – et des éco-organismes, dont nous avons finalement peu parlé lors de ces débats.

La production de déchets ménagers et assimilés est évaluée à 580 kilogrammes par habitant par an, soit à plus de 35 millions de tonnes. La gestion de ces déchets coûte près de 120 euros par habitant, soit plus de 7 milliards d’euros financés à près de 90 % par les finances locales, ce qui nous rappelle que l’économie circulaire, malgré toutes les déclarations d’intention, est une économie largement déficitaire dont la facture est payée par les collectivités locales et leurs contribuables. Le taux de recyclage actuel est de 40 % : un tiers des déchets bénéficient d’une filière de recyclage nationale, un tiers sont des déchets organiques et un tiers ne font pas l’objet d’une filière de recyclage et sont de ce fait non recyclables.

Introduit par l’OCDE il y a plus de trente ans, le principe de responsabilité élargie des producteurs a pour vertu de responsabiliser l’ensemble de la chaîne d’acteurs, depuis la conception du produit jusqu’à la fin de vie du déchet qu’il génère, en privilégiant son recyclage et sa valorisation. Avec plus d’une dizaine de filières existantes, la France est devenue le leader de cette démarche de responsabilité partagée entre amont et aval, portée en son temps lors du Grenelle, mais presque absente du projet de loi sur la transition énergétique pour une croissance verte. En mobilisant les metteurs sur le marché et les distributeurs, le principe de la REP a permis l’émergence, ou tout au moins la montée en puissance, en France, de filières de recyclage des papiers, des meubles ou de textiles, dont de nombreux pays européens cherchent aujourd’hui à s’inspirer.

La REP représente donc un formidable outil de conscientisation et de mobilisation en faveur de l’environnement des entreprises, mais aussi des consommateurs, tout en étant fortement créatrice de valeurs, aussi bien de matériaux que d’emplois. Les parlementaires de toutes sensibilités ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, puisqu’ils ont créé plusieurs filières de recyclage au cours de la dernière décennie. Celles-ci n’auraient jamais vu le jour sans la création d’une éco-contribution appliquée à certains produits et destinée à financer leur collecte séparée, leur recyclage et leur valorisation.

Pourtant, vingt-trois ans après la création de la première véritable filière de REP sur les emballages, plusieurs questions fondamentales méritent d’être posées. Ce projet de loi nous propose un objectif de 60 % de recyclage d’ici à 2025. Pourquoi pas 65 ou 70 %, alors que plus d’un tiers des poubelles des Français ne fait l’objet d’aucune filière de recyclage – jouets, articles de bricolages, de loisirs, de sports, de cuisine, de bureautique ? Et comment expliquer que les producteurs de ces produits non recyclables n’ont aujourd’hui aucune responsabilité ni aucune participation financière à assurer dans le modèle français ? Pourquoi cette prime au mauvais élève ? Comment expliquer que les Français paient une taxe sur l’élimination de ces déchets que personne ne sait recycler ? N’y a-t-il pas là une injustice et même une aberration ? Comment expliquer aux Français que 90 % des efforts pour une meilleure gestion des déchets sont financés par les impôts locaux, plutôt que par les entreprises qui mettent sur le marché des produits de grande consommation ?

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