Intervention de Philippe Goujon

Réunion du 21 mai 2015 à 8h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Le projet de rapport agrée au groupe UMP. Je salue l'esprit constructif qui a présidé à nos travaux, lesquels se sont déroulés dans d'excellentes conditions. Je regrette toutefois que la demande que j'avais formulée, il y a un an et demi, de créer une commission d'enquête sur les conditions d'exercice du maintien de l'ordre, n'ait pu aboutir, et qu'il ait fallu attendre le drame de Sivens pour que nous puissions nous pencher sur le sujet.

La première partie du rapport aurait gagné à préciser que l'autorité civile présente en permanence pendant les opérations ne doit pas interférer dans le commandement opérationnel, et à proposer des pistes concrètes pour assurer une meilleure traçabilité des commandements. Si la doctrine française consiste à maintenir les manifestants à distance, afin d'éviter le plus possible tout contact physique, il faut veiller à ne pas créer de vide défensif, en privant les forces de l'ordre de certains outils dont l'emploi est strictement encadré, comme les lanceurs de balles de défense (LBD). Dès lors qu'on supprime des moyens considérés comme dangereux, il faut développer de nouveaux moyens intermédiaires. Par ailleurs, l'autorité administrative gagnerait à bénéficier d'un soutien juridique renforcé.

D'autres propositions concernent les manifestants. J'avais proposé de responsabiliser les organisateurs de manifestations non déclarées, grâce à un régime de présomption d'organisation de manifestation, étayée par un faisceau d'indices, notamment l'utilisation des réseaux sociaux et l'envoi de SMS. Le procédé permettrait de formaliser leur déclaration de manifestation et de prévoir les dispositifs de secours. Cette proposition, soutenue par le procureur de la République de Paris, aurait mérité de figurer dans le rapport.

Nous approuvons l'interdiction ponctuelle de manifester sur la voie publique pour des personnes condamnées pour des faits graves commis lors de troubles. Ce régime serait assorti de garanties juridiques, à l'instar du dispositif anti-hooligans. Certains d'entre nous considèrent que, pour une meilleure efficacité, l'interdiction pourrait être complétée par une obligation de pointage au commissariat.

Face aux nouvelles formes de manifestation, qui peuvent s'apparenter à une guérilla urbaine, le rapport aurait pu retenir, comme l'avait suggéré M. Vigouroux, l'autorisation de procéder à une évacuation forcée, comme celle qui se pratique sur des campements illégaux. Compte tenu de la lenteur de la procédure judiciaire, qui peut durer deux à dix-huit mois, il serait pertinent de créer une réponse judiciaire et administrative expresse, quand des recours ont été déposés, ce qui faciliterait l'évacuation des opposants.

L'introduction dans notre droit de la notion de subversion violente, proposée par le préfet de police de Paris, permettrait d'utiliser les moyens spéciaux du renseignement à l'encontre d'éléments violents agissant en marge de la manifestation. Le rapport reprend toutefois l'idée d'un protocole d'intervention rapide, en cas d'urgence, afin de systématiser leur arrestation et leur neutralisation.

La garantie supplémentaire résultant de la systématisation de l'enregistrement des opérations et de la présence permanente d'un substitut du procureur, à l'instar de celle d'un représentant de l'autorité civile, sécuriserait davantage les démarches judiciaires.

Globalement, la réponse judiciaire gagnerait à être accélérée et harmonisée. Le Défenseur des droits a en effet relevé une inégalité de traitement judiciaire selon qu'il s'applique au donneur d'ordres – l'autorité civile – ou à l'exécutant – les forces de l'ordre –, ce qui pourrait entraîner une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

La responsabilité des organisateurs dans les dommages causés lors des manifestations peut aussi donner matière à légiférer, afin de créer un mécanisme de responsabilité civile solidaire des organisateurs. Ce mécanisme suggéré par M. Vigouroux autoriserait ceux-ci à intenter une action en réparation auprès des casseurs agissant en marge de la manifestation.

Nous développerons ces pistes dans notre contribution. Cependant, nous ne nous opposerons pas à l'adoption du rapport, conscients que la meilleure sauvegarde des libertés publiques, dont celle de manifester, réside dans l'adaptation du cadre juridique du maintien de l'ordre aux nouvelles formes de contestation et au bon déroulement des manifestations.

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