Intervention de François de Rugy

Réunion du 27 mai 2015 à 20h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Je tiens tout d'abord à regretter la manoeuvre de nos collègues de l'UMP et à saluer l'attitude de nos collègues, M. Frédéric Lefebvre et M. Folliot de l'UDI, qui sont restés pour participer à nos travaux. Ce genre de gesticulations n'est pas à la hauteur de la situation, même si nous regrettons, nous aussi, que le délai entre le dépôt du texte et celui des amendements ait été si court – un tel délai ne doit pas devenir la norme. Toutefois, chacun sait que le Gouvernement n'a pas, en la circonstance, inventé l'urgence pour son confort : elle est bien réelle, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve le pays.

Nous ne pouvons que souscrire à l'idée d'une nécessaire actualisation de la LPM. Le contexte actuel justifie tout à la fois une pause dans la réduction des effectifs – car il s'agit à nos yeux, comme aux vôtres, je suppose, monsieur le ministre, d'une simple pause – et un coup de pouce budgétaire bien réel de près de 1 milliard d'euros par an.

Cela étant, nous avions déjà discuté certains choix dans le cadre de l'examen de la LPM initiale ; cette discussion renvoie à la fois à des désaccords de fond et à l'affirmation plus nette de priorités stratégiques, que le Livre blanc, puis la loi de programmation militaire n'avaient pas, selon nous, suffisamment clarifiées.

Nous continuons de penser que la priorité, également d'ordre budgétaire, accordée à la dissuasion nucléaire ne va pas de soi. Au-delà de ce désaccord philosophique, nous nous interrogeons sur la pertinence stratégique d'un tel choix, y compris pour répondre aux menaces d'aujourd'hui qui justifient l'actualisation de la loi de programmation militaire – je pense évidemment à l'expansionnisme djihadiste dans différentes régions du monde et à la réponse que la France y apporte dans le cadre d'une action internationale : que ce soit au Mali dans le cadre de l'opération Barkhane, en Irak et en Syrie, ou en République centrafricaine, la dissuasion nucléaire ne nous est d'aucune utilité.

Il serait du reste possible de faire des économies sur l'arsenal nucléaire sans pour autant le démanteler totalement, c'est-à-dire sans ouvrir le débat de fond sur l'intérêt pour la France de posséder l'arme nucléaire.

Nous continuons également de douter, compte tenu de leur coût, de la pertinence stratégique de certains grands équipements à très forte valeur technologique, comme le porte-avions Charles de Gaulle, qui devra faire prochainement l'objet d'un investissement de près de 2 milliards d'euros, compte tenu de son âge.

À l'inverse, nous tenons à saluer, monsieur le ministre, vos choix en matière d'optimisation de l'outil de défense, tout à fait positifs, qu'il s'agisse du transport ou du ravitaillement, des frégates multimissions, du programme Scorpion, des drones ou du renseignement. Vous n'avez du reste pas attendu que la menace terroriste s'abatte sur la France pour affirmer la nécessité de renforcer tant les effectifs que les moyens techniques et financiers du renseignement.

Nous tenons également à saluer le chapitre II du texte, relatif au droit d'association des militaires, que nous avons toujours considéré comme légitime et dont l'inscription dans la loi est devenue nécessaire pour permettre à la France de se conformer à la décision de la CEDH. Plusieurs de nos amendements visent à améliorer encore le dispositif proposé dans le texte : nous espérons que certains d'entre eux seront adoptés, de façon à répondre au besoin de représentation et de dialogue social au sein d'une armée désormais professionnalisée.

Enfin, nous saluons les mesures relatives à l'évolution des effectifs et qui rectifient la pyramide hiérarchique, qui nous paraissait quelque peu disproportionnée au bénéfice des officiers supérieurs.

C'est donc bien dans un esprit constructif que nous abordons l'examen de ce texte avec les réserves que vous connaissez ; le vote ou le rejet de certains amendements détermineront notre vote final.

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