Intervention de Jean-Jacques Candelier

Réunion du 27 mai 2015 à 20h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

J'informe l'assistance, pour la rassurer, que je demeurerai courtois et que j'assisterai aux débats jusqu'au bout en disant, comme d'habitude, ce que je pense !

Je n'en déplore pas moins les conditions dans lesquelles nous débattons du présent texte dont l'examen a été fixé une semaine après son passage en conseil des ministres. Nous avons reçu un document mercredi 20 après-midi et le texte officiel – quatre-vingt-neuf pages – le lendemain jeudi. On peut toujours se contenter du dossier de presse du Gouvernement et faire de la communication mais est-ce la mission du législateur ? Je ne le crois pas. Nous avons eu trois jours, sans compter le week-end, pour lire le texte et rédiger des amendements ; et il faut maintenant avancer au pas de charge, car le texte passe en séance publique le 4 juin prochain…

Le Parlement est à nouveau considéré comme une chambre d'enregistrement par le Gouvernement – c'est mon point de vue, vous n'êtes pas obligés de le partager. L'absence de temps ne permet pas un examen sérieux de l'ensemble des 25 articles qui pèsent plusieurs milliards d'euros, qui touchent parfois aux libertés fondamentales et aux droits de l'homme – c'est le cas de tout le chapitre II sur les associations professionnelles nationales de militaires (APNM), des articles qui créent de nouveaux dispositifs comme le service militaire volontaire (SVM). Dans un tel contexte, l'engagement de la procédure accélérée est, une fois de plus, très mal venu.

Sur le fond, on nous propose d'ajouter des crédits au budget pour en fait continuer comme avant et pour combler certaines lacunes et erreurs d'appréciation. Le gouffre financier est là, le Gouvernement, avec ses oeillères, continue sa politique au coup par coup. Cette actualisation démontre le déséquilibre financier de la LPM que nous dénoncions déjà. Le présent texte arrive dix-huit mois après l'adoption de la LPM 2014-2019 qui traduit les ambitions du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale, que j'ai toujours remis en cause.

C'est toute la stratégie financière du ministère, ainsi que les missions et l'organisation de nos armées qu'il faudrait revoir. Après dix ans de baisse continue du budget de la défense, 3,8 milliards d'euros seront apportés au cours des quatre prochaines années, dont 2,5 milliards d'euros pour la prochaine législature. L'hémorragie des effectifs sera moindre – à cause des menaces terroristes, nous dit-on. Le dispositif Sentinelle est avant tout une opération de communication destinée à rassurer la population.

Je pourrais par ailleurs développer ma pensée sur les OPEX en Afrique qui durent. Je me contenterai de dénoncer l'opération militaire toute récente intitulée « EU Navfor Med », lancée par l'Union européenne dans les eaux internationales ou européennes dans le but de s'attaquer aux passeurs de migrants. Elle nécessite des avions, des hélicoptères, des bâtiments de guerre, des moyens de renseignements titanesques : autant d'argent qui devrait être utilisé dans la coopération et le codéveloppement.

En matière d'effectifs, s'il était prévu la suppression de 33 675 postes, 18 750 seront finalement épargnés. L'année dernière, M. le ministre avait annoncé son plan de restructuration : fermeture de l'hôpital du Val-de-Grâce, d'une base navale, dissolution d'un régiment, désarmement de cinq bâtiments de la marine. Je ne pense pas que ces décisions soient remises en cause. Si les partenariats public-privé et les sociétés de projet défense sont pour l'instant abandonnés, les sociétés militaires privées ou encore la vente de notre patrimoine militaire sont par contre toujours d'actualité.

Je salue le fait que 88 milliards d'euros seront alloués aux équipements, pour les quatre ans à venir, mais je reste convaincu qu'il ne s'agit pas d'une rallonge mais d'un minimum qui ne suffira pas pour remplacer nos véhicules usés et notre matériel défectueux. Le Gouvernement met des rustines et veut parer au plus pressé. La France est en effet prise entre le marteau de la politique d'austérité exigée par l'Europe de Bruxelles et l'enclume des missions confiées à nos armées. Des armées mises sous une tension infernale. L'austérité appliquée à nos armées, que j'ai toujours dénoncée, devient vraiment invivable et met en danger nos soldats.

Cette actualisation, si elle comporte des articles intéressants, contient fondamentalement une augmentation du budget qui ne se conjugue pas avec une réelle politique de défense nationale au service du peuple français et de la paix dans le monde. On n'y trouve aucune remise en cause des dépenses relatives au nucléaire, de l'intégration de la France au commandement intégré de l'OTAN ni de notre soumission aux ambitions géopolitiques des États-Unis d'Amérique – une soumission matérialisée récemment encore par la mise sous commandement américain de notre porte avion Charles de Gaulle lors de l'opération Chammal en Irak. Plus inquiétant encore, François Hollande, le 19 février dernier, à Istres, a repris à son compte le concept belliciste de « dissuasion élargie », qui alimente la menace gravissime d'une confrontation nucléaire avec la Russie à propos de l'Ukraine. Le Gouvernement évoque à ce sujet une participation aux mesures d'assurance au bénéfice de nos alliés orientaux – qu'entend-il par-là exactement ?

Vous le voyez, j'aborde l'examen du texte avec appréhension.

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