Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du 2 juin 2015 à 9h30
Questions orales sans débat — Répartition inéquitable des crédits de la politique de la ville

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Madame la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, je souhaite appeler votre attention sur la réforme de la géographie prioritaire et sur la répartition des crédits de la politique de la ville.

En cherchant à accorder davantage de moyens à destination des populations les plus défavorisées, l’objectif de cette réforme apparaissait parfaitement louable. Malheureusement, sa mise en oeuvre entraîne de nombreuses inégalités, notamment dans les territoires qui sont les plus touchés par la pauvreté, ce qui est le cas du département dont je suis le député : la Seine-Saint-Denis.

Ce paradoxe s’explique notamment par la méthode employée pour définir la répartition des crédits. Tout d’abord, le seul critère du revenu se base sur des données recueillies il y a déjà quatre ans. Par ailleurs, le calcul n’inclut pas les prestations sociales, faisant ainsi l’impasse sur les 10 à 20 % des populations les plus défavorisées qui ne disposent pas d’autres ressources. Enfin, le critère unique du revenu médian par unité de consommation est effectivement apprécié par rapport à la moyenne nationale, mais aussi selon le niveau de vie de l’unité urbaine, ce qui entraîne des inégalités de traitement entre des quartiers pourtant touchés de la même façon par la pauvreté, en raison de leur appartenance à telle ou telle agglomération.

Quelques exemples : dans la ville de Drancy, dont je suis le maire, la réforme de 2014 a entraîné une hausse importante du nombre d’habitants bénéficiant de la politique de la ville – ou qui devraient en bénéficier –, alors que le montant des subventions accordées par le Gouvernement a fortement diminué. Le nombre de Drancéens concernés a augmenté de près de 50 %, passant de 8 500 à 12 700 personnes « éligibles », entre guillemets, à la politique de la ville. Cette augmentation de la population éligible serait la bienvenue si elle n’était pas accompagnée d’une baisse de 30 % de l’enveloppe accordée, laquelle est passée en 2015 de 350 000 euros à 245 000 euros – plus de 100 000 euros de baisse. Avec ce nouveau zonage inéquitable, le ratio à Drancy est brutalement tombé de 42 euros par habitant concerné à 19 euros par habitant.

Par ailleurs, en transférant aux communautés d’agglomération les compétences pour le pilotage et la péréquation des crédits, la réforme accentue certaines inégalités au sein même de ces territoires. Certaines communes qui concentrent les quartiers prioritaires les plus nombreux et les plus denses ont un ratio très largement inférieur à celui d’autres communes appartenant pourtant aux mêmes établissements publics de coopération intercommunale, dits EPCI.

C’est le cas d’Est Ensemble, pas très loin de ma commune, et que vous connaissez, où le ratio pour la ville de Bobigny, dans ma circonscription, n’atteint que 13 euros par habitant alors que 72 % de sa population vit dans les quartiers dits prioritaires. En parallèle, dans la même communauté, Le Pré-Saint-Gervais, dont seulement 13 % de la population vit dans ces quartiers prioritaires, bénéficie d’un ratio de 62 euros par habitant – 13 euros par habitant d’un côté, 62 euros de l’autre dans la même communauté d’agglomération !

Dernier exemple : la commune de Montreuil, dont la population bénéficiaire est pourtant proche de celle de la ville de Bobigny que je viens de citer, avec près de 35 000 habitants éligibles, reçoit une enveloppe d’environ 800 000 euros, soit un montant deux fois supérieur à celui accordé à la ville de Bobigny.

Enfin, les inégalités concernent également les départements puisque, de l’aveu même du Commissariat général à l’égalité des territoires, il apparaît que la moyenne nationale du ratio s’établirait à plus de 40 euros par habitant ; or la Seine-Saint-Denis, hélas connue pour ses difficultés sociales, qu’elle concentre en grand nombre, ne bénéficie quant à elle que de 19 euros par habitant en moyenne.

C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je vous demande quelles sont les mesures que le Gouvernement entend prendre pour répondre à ces inégalités engendrées par la réforme de la géographie prioritaire. C’était une bonne idée ; elle est en train de mal tourner.

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