Intervention de Jean Cassegrain

Réunion du 3 juin 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Jean Cassegrain, directeur général de Longchamp :

Le secteur de la maroquinerie est particulièrement dynamique. Cette industrie de main-d'oeuvre crée des emplois en France. En 2014, ses exportations se montent 5 milliards, pour 3 milliards d'euros d'importations, soit un solde net de 2 milliards. Le secteur est dynamique sur le plan social. En trois ans, 2 000 emplois ont été créés et, l'an dernier, 600 contrats de professionnalisation et cinq accords de branche ont été signés. La réussite de la maroquinerie française s'appuie sur le savoir-faire de 450 entreprises, dont 90 % emploient moins de cinquante salariés, et sur le dynamisme de quelques grands groupes qui tirent l'ensemble de la filière.

Longchamp réalise un chiffre d'affaires de 500 millions d'euros, dont 70 % à l'exportation. Nous employons 2 700 personnes dans le monde, dont un peu moins de la moitié en France. Nos implantations industrielles se situent dans la Mayenne, les Pays-de-Loire, la Vendée ou l'Orne. Longchamp a le label « entreprise du patrimoine vivant ». Il s'agit d'une entreprise familiale créée par mon grand-père en 1948.

Le marché français étant trop petit pour financer à long terme une marque présente dans le monde, l'exportation est la condition de notre survie. À ce sujet, j'appelle votre attention sur l'importance des droits de douane que nous devons acquitter à l'étranger. Contrairement à ce qu'on entend dire, les barrières tarifaires sont loin d'avoir disparu. Dans certains pays émergents, les droits de douane peuvent monter à 30 % à 40 % de la valeur du produit. Aux États-Unis, ils sont déjà de 10 % à 20 %, ce qui est considérable. La signature de l'accord de libre-échange, qui fait l'objet d'une discussion entre l'Union européenne et les États-Unis, serait un soutien important pour la profession.

Longchamp, qui est une entreprise de taille moyenne, vend dans quatre-vingts pays, à la réglementation desquels il n'est pas facile de s'adapter. Je me suis amusé à découper l'étiquette d'une de mes vestes : celle-ci, qui comprend quatre feuillets recto verso, est rédigée en trente langues. Comment une PME pourrait-elle gérer une telle complexité ? La réponse est simple : il faut faire des impasses et prendre des risques, quitte à ne pas être toujours en règle. La France doit non seulement négocier avec les autres pays, afin de nous simplifier la tâche, mais aussi éviter d'ajouter à tout instant des réglementations contre-productives.

L'une d'elles nous impose d'étiqueter les produits de manière très contraignante, en distinguant cuir et croûte de cuir. Cette réglementation est d'autant plus absurde qu'elle ne s'applique qu'à nous. Les produits italiens respectant la réglementation italienne peuvent être mis sur le marché français sans qu'une étiquette précise s'il s'agit de cuir ou de croûte de cuir. La même dispense s'applique aux produits américains qui entrent en Europe en passant par les Pays-Bas, pourvu qu'ils respectent la réglementation hollandaise. Les producteurs français sont les seuls à devoir appliquer la réglementation française, et à la porter avec eux dans le monde entier, ce qui crée un désavantage compétitif.

J'en viens à notre dernier sujet de préoccupation. Par tradition, la France possède un bon arsenal pour lutter contre la contrefaçon et punir les contrefacteurs. Jusqu'à une date récente, il n'existait quasiment pas de contrefaçon de nos produits en France. Pour acheter un faux sac Longchamp, il fallait aller sur le marché de Bangkok ou d'Istanbul. Malheureusement, depuis quatre ou cinq ans, il est possible de commander sur internet des contrefaçons chinoises. Certains sites chinois se présentent comme français, voire copient l'habillage du nôtre et présentent des photos de produits authentiques. Les contrefacteurs expédient les colis par la poste. Or, si la douane peut facilement bloquer un container au Havre, elle ne peut pas ouvrir tous les paquets postaux en provenance de Chine.

Sur ce front, les États-Unis sont désormais plus réactifs que nous. Pour combattre un contrefacteur chinois qui travaille en France, il faut lui intenter un procès aux États-Unis. Le Canada a mis des solutions en place, en coopération avec les banques, afin de limiter l'usage des moyens de paiement sur certains sites. Chaque année, 1 000 sites de vente de contrefaçons sont bloqués et 10 000 annonces sont retirées sur les réseaux sociaux ou les plateformes de vente en ligne.

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