Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 8 juin 2015 à 17h00
Juste appréciation des efforts en matière de défense et d'investissements publics dans le calcul des déficits publics — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Nous aurions pu, en toute logique, accueillir le ministre du budget, néanmoins je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour les propos que vous avez tenus. Ils sont très axés sur la défense alors que nous débattons du sujet très structurel du budget de l’État et des investissements, sujet sur lequel portera la première partie de mon propos.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance fut une réponse nécessaire aux crises qui ébranlaient l’Union européenne depuis 2008. Alors que l’explosion des déficits et de la dette affolait les marchés financiers et menaçait de faire exploser la zone euro, ce traité a mis en place des règles contraignantes incitant les États à redresser leurs finances publiques.

Il était donc nécessaire, nous le répétons aujourd’hui, de renforcer la coordination européenne et de revenir à une politique de sérieux budgétaire qui, à tort, avait été mise à mal pendant de nombreuses décennies.

Nous devions tirer les leçons de ces crises et tout mettre en oeuvre afin qu’elles ne se reproduisent plus. Le groupe UDI en est convaincu : mettre fin à la spirale du désendettement est vital et permettra à notre pays de retrouver des marges de manoeuvre, de reprendre le chemin de la croissance et de préserver sa souveraineté. Cela répond, selon nous, à trois impératifs qui devraient tous nous réunir et transcender les clivages politiques.

D’abord, un impératif éthique. Actuellement, c’est une facture de 30 000 euros qui pèse sur chaque Français. Nous ne pouvons faire supporter aux générations futures la mauvaise gestion passée.

Un impératif économique, ensuite. La dette de la France a franchi, depuis le 17 août 2014, la barre des 2 000 milliards d’euros. Il est donc impératif de réduire cette dette afin de ne pas amputer la quasi-totalité de l’épargne des ménages et de ne pas mettre de frein à la croissance de notre pays.

Un impératif politique, enfin, car il faut redonner aux élus et au Gouvernement la possibilité d’exercer leurs responsabilités dans de bonnes conditions.

Tels sont les objectifs qui devraient guider notre politique de réduction des déficits, en évitant que celle-ci soit menée à l’aveugle et en dépit de tout bon sens.

Or, afin de respecter le fameux objectif de 3 % fixé par les traités, l’Union européenne a demandé aux États membres de mettre en place des normes parfois drastiques. Certes, des réformes structurelles étaient nécessaires dans de nombreux pays – amélioration du fonctionnement du marché du travail, réforme des régimes de retraite, réduction du coût du travail : autant de chantiers qui étaient repoussés depuis de nombreuses années.

Toutefois, comme nous le soulignions, mon collègue Razzy Hammadi et moi-même, dès décembre 2012, « les ajustements de la politique budgétaire intervenant dans un contexte économique déjà déprimé ont des effets délétères sur la croissance des États européens. Ainsi, on constate dans certains pays, et tout particulièrement en Grèce toute l’absurdité d’une politique de réduction des déficits qui entraîne une diminution de la croissance et des recettes fiscales, aggravant le déficit qu’elle avait pour vocation de résorber ». Cette analyse a été confirmée en 2013 par des institutions aussi peu suspectes de laxisme que le FMI ou l’OCDE, qui ont considéré qu’une rigueur excessive peut, paradoxalement, être contre-productive et conduire à une aggravation et non à un allègement des déficits publics.

Malgré les efforts consentis, il faut le dire, par la plupart des pays de l’Union, aucun n’a réussi à renouer réellement avec la croissance, et les conséquences sociales de ces politiques se sont parfois révélées dramatiques. En Grèce, ce sont des suppressions massives dans la fonction publique, la hausse brutale de la fiscalité, la diminution massive des salaires, la hausse du taux de chômage, l’augmentation de la pauvreté et le retour de maladies qui avaient disparu depuis de nombreuses décennies ; la situation est similaire en Espagne, où le taux de chômage des jeunes est très important : la hausse de la TVA et la réduction des indemnités de chômage ont littéralement asphyxié la population.

Il est donc légitime de nous poser la question de la soutenabilité du rythme de réduction des déficits publics imposés par l’Union européenne aux États.

Tout en encourageant les États à mettre en place des réformes structurelles, qui produiront leurs effets dans plusieurs années, les institutions européennes devraient intégrer dans leur approche l’acceptabilité par les populations des sacrifices qui leur ont été demandés, c’est-à-dire le délai raisonnable dans lequel doivent être effectuées ces réformes pour être humainement et socialement supportables.

Nous craignons en fait qu’une application trop mécanique des pouvoirs donnés aux institutions européennes ne conduise à un développement massif du rejet de la construction européenne, phénomène que nous avons d’ores et déjà observé, particulièrement en Grèce et en Espagne.

Pour autant, l’approche de nos collègues socialistes au travers de cette proposition de résolution nous semble erronée. Dès lors que certaines dépenses peuvent être exclues du calcul du déficit, où placer le curseur ? Il serait préférable, à notre sens, d’engager un dialogue constructif avec la Commission européenne et nos partenaires afin que la réduction des déficits, sans être abandonnée, ne soit plus l’alpha et l’oméga de la politique européenne.

En outre, nous sommes convaincus que la véritable négociation avec nos partenaires européens doit porter non pas sur l’exclusion des dépenses militaires du calcul des déficits, mais bien – et vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État – sur la mise en place d’une véritable Europe de la défense, serpent de mer s’il en est, qui sera une nouvelle fois abordé lors du Conseil européen des 25 et 26 juin.

Alors, monsieur le secrétaire d’État, j’ai envie de vous dire : « chiche ! ». Êtes-vous prêt à présenter enfin cette Europe de la défense ? C’est une impérieuse nécessité, parce que tous les pays européens ont largement réduit leurs dépenses militaires, les Américains ont adopté une nouvelle stratégie pivot et les équipements coûtent de plus en plus cher. Même avec 175 milliards d’euros de dépenses militaires et 1,5 million d’hommes sous les drapeaux, ces chiffres doivent être divisés par le nombre de pays engagés dans des opérations. C’est le point de vue qu’a exprimé la semaine dernière le commissaire européen Pierre Moscovici lors de son audition par la commission.

Il est vrai que la France est largement engagée dans de nombreuses opérations extérieures, principalement en Afrique. Le groupe UDI dans son ensemble, dans un esprit de responsabilité et d’union nationale, a voulu apporter un soutien sans réserve au Président de la République et au Gouvernement dès le lancement de chacune de ces opérations. L’engagement de nos troupes est avant tout l’engagement de la France pour la défense de la démocratie, pour la liberté et la lutte contre le fondamentalisme. Je tiens à saluer ici l’engagement de nos hommes sur le terrain qui, par la qualité de leurs actions, font honneur aux armes de la France.

Pour autant, nous avons déploré l’isolement de la France et l’absence de soutien significatif de nos alliés européens. Les membres du groupe UDI croient fermement qu’une Europe de la défense est nécessaire et ils l’appellent de leurs voeux. La mise en commun de moyens à l’échelle européenne mènerait certainement à la formation d’un ensemble véritablement puissant, à même de prendre toute sa place sur la scène internationale ou plutôt sur les scènes internationales. En outre, une telle avancée constituerait sans nul doute pour la France un moyen de réaliser des économies réfléchies et pertinentes, en concertation avec ses partenaires.

Il est plus que temps de poser les pierres fondatrices d’une industrie européenne de défense, d’une politique de mutualisation des équipements et des troupes et surtout d’un rapprochement sans précédent de nos centres de décision et de nos priorités géostratégiques grâce à un budget dédié.

Je réaffirme ici le profond engagement européen du groupe UDI. Tandis que la menace n’a jamais été aussi élevée, à l’étranger comme sur le territoire national, la France doit promouvoir un véritable fédéralisme européen, en matière tant économique que militaire. Aussi regrettons-nous le manque d’ambition du texte présenté par nos collègues socialistes. Par conséquent, le groupe UDI votera contre la proposition de résolution.

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