Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 8 juin 2015 à 17h00
Prévention et lutte contre le tabac — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Nous sommes ici toutes et tous confrontés à un véritable fléau, responsable du décès de 215 personnes par jour en France. Nous sommes face à un drame sanitaire qui coûte 47 milliards d’euros par an à la solidarité nationale et ne rapporte que 11 milliards d’euros en fiscalité ! Un drame qui frappe les plus jeunes, pour lesquels les messages de prévention sont insuffisamment efficaces, et qu’il faut pourtant impérativement protéger de l’entrée dans le tabagisme.

Nous sommes tous convaincus qu’il est nécessaire de muscler notre arsenal de lutte contre le tabagisme, car le tabac demeure la première cause de décès prématuré évitable dans l’Union européenne. Il continue de tuer 700 000 personnes chaque année, ce qui démontre clairement l’insuffisance des politiques publiques européennes et nationales menées jusqu’ici, aussi nécessaires et indispensables soient-elles.

Et que nous propose aujourd’hui la majorité ? Une résolution en faveur de la coordination des politiques européennes en matière de prévention et de lutte contre le tabac ! C’est un peu fort de café, monsieur le rapporteur !

Vous souhaitez une coordination des politiques européennes alors qu’en votant la mesure phare du Programme national de réduction du tabagisme lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, vous avez, avec l’instauration du paquet neutre, mis en place un dispositif qui va plus loin que celui proposé par la directive européenne. Comprenne qui pourra !

Notre groupe a évidemment conscience que le statu quo n’est plus tenable et qu’il convient de passer à la vitesse supérieure pour lutter contre le tabagisme.

J’y ai modestement concouru lors de l’examen du projet de loi santé en faisant adopter un amendement prévoyant que les buralistes seraient tenus d’exiger le justificatif de l’âge de l’acheteur. J’avais également fait adopter un amendement, évoqué par Mme la secrétaire d’État, prévoyant l’interdiction de fumer en voiture en présence d’un jeune de moins dix-huit ans.

Pour autant, disons-le sans détour, nous ne sommes pas persuadés que le paquet neutre, au centre de cette proposition de résolution, puisse être l’alpha et l’oméga de la lutte contre le tabagisme, comme vous semblez le croire.

Nous sommes même convaincus que vous avez pris un risque important en allant au-delà des dispositions de la directive avant que la France ait entrepris des démarches auprès de la Commission pour favoriser l’harmonisation européenne dans la lutte contre le tabagisme.

Car le paquet neutre n’aura en effet aucun impact sur le marché parallèle, qui représente 25 % de la consommation de tabac, et qui fragilise le réseau de buralistes présents sur tout notre territoire.

En outre, comment pouvez-vous fermer les yeux sur le fait que le paquet neutre puisse favoriser une guerre des prix en France, au détriment de nos tabaculteurs ?

Enfin et surtout, vous avez isolé la France alors qu’elle aurait dû inscrire sa lutte contre le tabac dans une démarche collective, sans chercher à mettre en oeuvre des mesures excessives, sous peine de favoriser la contrebande et le commerce transfrontalier que votre proposition de résolution entend pourtant combattre.

La politique de lutte contre le tabac conduite au niveau national ne saurait être efficace sans qu’elle soit également relayée au niveau de l’Union européenne.

La réciproque est vraie : l’Union européenne ne disposant que de prérogatives limitées dans le domaine de la lutte contre le tabac, la politique européenne ne peut avoir d’impact que si les plans d’actions nationaux sont mis en oeuvre de manière coordonnée.

Faire de la France le moteur de la lutte contre le tabac en Europe ne signifie pas qu’il faille avancer tout seul. Il faut coordonner les actions. Or l’instauration du paquet neutre ne va pas dans ce sens.

Ce n’est pas la démarche qui a été privilégiée par le Gouvernement et cette proposition de résolution est en quelque sorte une session de rattrapage.

Vous érigez l’Australie, qui a mis en oeuvre le paquet neutre, en véritable modèle. Est-il nécessaire de souligner combien les situations de la France et l’Australie sont différentes, ne serait-ce que parce qu’elles ne sont pas soumises à la même pression concernant la contrebande et la contrefaçon ?

Faut-il vous rappeler qu’en Australie, l’instauration du paquet neutre s’est accompagnée d’une hausse significative des prix ?

Or comme le soulignent les auteurs de la proposition de résolution européenne et comme le défend le groupe UDI, la fiscalité est l’arme la plus efficace pour prévenir le tabagisme ou inciter à l’arrêt du tabac.

Pour autant, ces hausses de fiscalité, qui doivent être au coeur de notre politique de santé publique, doivent être envisagées en tenant compte de la diversité des taux de fiscalité appliqués au tabac au sein de l’Union européenne.

La politique fiscale de la France en la matière soulève d’ores et déjà des problématiques majeures : des pertes de recettes conséquentes pour nos finances publiques, la disparition des bureaux de tabac qui sont des commerces de proximité avant tout – ce qui n’est pas le cas en Australie –, l’explosion de la contrebande et des approvisionnements frontaliers.

En revanche, une harmonisation européenne permettrait de renforcer les effets positifs de la hausse du prix du tabac sur la consommation et neutraliserait les effets négatifs de notre politique fiscale. Nous le savons : l’Europe ne peut pas s’emparer de l’outil fiscal sans l’accord des États membres.

Il appartient par conséquent à la France de promouvoir cette démarche auprès de nos partenaires européens. Je souhaite que cette proposition de résolution puisse y contribuer.

Vous le voyez, si nous partageons certains des objectifs poursuivis par cette proposition de résolution européenne, nous demeurons pourtant sceptiques quant à ses recommandations qui, en creux, donnent à voir les contradictions de la politique du Gouvernement en matière de lutte contre le tabac.

Néanmoins, je tempérerai mon propos. Les ravages du tabac exigent que la représentation nationale soit unie face à ce fléau. Aussi, en dépit des réserves que nous avons exprimées, le groupe UDI soutiendra-t-il cette proposition de résolution européenne.

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