Intervention de Rémi Pauvros

Séance en hémicycle du 8 juin 2015 à 17h00
Prévention et lutte contre le tabac — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRémi Pauvros :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd’hui est un appel pressant à la coordination européenne en matière de lutte antitabac et d’harmonisation des prix du tabac.

Le Gouvernement français s’est engagé à défendre une politique de lutte contre le tabagisme ambitieuse, comme en témoignent les récentes mesures qui ont été adoptées dans le projet de loi santé voté il y a quelques semaines dans notre Assemblée.

L’instauration du paquet neutre répond à un impératif premier dans la lutte contre le tabac : protéger avant tout les jeunes et les enfants pour qu’ils ne commencent pas à fumer et qu’ils ne soient pas exposés au tabac ; empêcher que la promotion de ce produit ne soit un vecteur d’influence néfaste.

Rappelons aussi que depuis plusieurs années, notre pays utilise principalement l’outil fiscal pour réduire le nombre de consommateurs de tabac.

Néanmoins, une forte fiscalité sur le tabac ne doit pas être l’unique outil utilisé pour lutter contre le tabagisme parce qu’il touche plus durement les classes les plus défavorisées, qui ont difficilement accès aux soins, qui sortent plus difficilement d’un état d’addiction. La prévention doit être un outil renforcé à ce titre.

Le constat regrettable que nous devons faire aujourd’hui est que cette politique nationale ambitieuse ne tient pas le rôle moteur parmi les pays européens qu’elle devrait jouer.

Il existe une disparité néfaste des politiques pratiquées par les pays européens pour endiguer le tabagisme, à commencer par une instauration différenciée du prix du tabac, mettant la France en porte-à-faux et exposant les buralistes français, détenteurs du monopole de vente du tabac en France, à une concurrence que l’on peut qualifier de déloyale.

Lorsqu’un paquet de cigarette coûte 3 euros en Croatie, 4,80 euros en Espagne, 7 euros en France et 11 euros au Royaume-Uni, on ne peut reprocher à un consommateur européen d’être tenté de privilégier un lieu d’achat qui sera le moins douloureux pour son porte-monnaie ! Et pourtant, les conséquences de cette disparité de prix et de comportement des consommateurs de tabac qui en découle sont particulièrement alarmantes : le marché parallèle des achats illicites sur internet ou les achats licites transfrontaliers se sont considérablement développés.

Aujourd’hui, le marché parallèle représente un quart de la consommation nationale, soit un paquet de cigarettes sur quatre acheté en dehors du réseau officiel.

L’ampleur du phénomène est encore plus inquiétante dans les territoires transfrontaliers où l’activité de nos commerçants de tabac est menacée par le développement de ce marché parallèle.

Sur mon territoire, dans le Nord, le problème posé par l’achat de tabac en Belgique est bien connu. Les buralistes, que j’ai eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises, subissent une véritable distorsion de concurrence !

Lorsque, à quelques kilomètres, le paquet de cigarette belge est deux euros moins cher que le prix pratiqué en France, les buralistes installés en France peuvent difficilement rivaliser et espérer pérenniser leur activité.

Le problème ne se pose pas uniquement au regard de l’activité des buralistes français, mais se pose aussi pour l’État. Le manque à gagner fiscal provoqué par le développement du marché parallèle est estimé à 2,5 milliards d’euros par an. C’est une perte que nous ne pouvons nous permettre, sachant que le coût social du tabac est estimé à 47 milliards d’euros par an, dont au moins 18 milliards pour les seuls coûts de santé.

C’est finalement l’efficacité même de nos efforts nationaux en termes de lutte contre le tabagisme qui pâtissent de la disparité des prix du tabac dans les zones frontalières puisque le prix attractif du tabac pratiqué par les pays voisins et les ventes par internet ne dissuadent pas les jeunes populations d’en consommer.

Dans ce contexte, l’instauration d’un paquet neutre par la France, de façon unilatérale, a soulevé des inquiétudes légitimes chez les buralistes français. La banalisation des produits du tabac au sein de nos frontières n’en renforcera que plus l’attrait et l’exotisme des produits vendus à l’étranger.

Ce problème se pose d’autant plus qu’aucun de nos proches voisins n’envisage l’instauration du paquet de cigarettes neutre alors que la directive européenne de lutte antitabac de 2014 incite les États membres à le mettre en place, sans pour autant les y contraindre.

Cette proposition de résolution tient donc lieu de plaidoyer pour une mobilisation collective pour lutter contre le tabagisme au niveau européen et pour l’instauration d’une véritable politique européenne uniformisée en la matière.

Bien que la politique de santé publique reste une prérogative nationale, une coopération de l’ensemble des États membres reste la solution la plus adaptée pour endiguer le problème de la vente au marché noir. L’Europe doit instaurer les mêmes règles pour tous, des règles qui ne doivent pas être minimalistes.

Enfin, il est urgent de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour renforcer le contrôle effectué par les services de douanes, en particulier un contrôle des camions transfrontaliers, qui sont davantage susceptibles d’organiser une contrebande massive de tabac que les particuliers !

Pour lutter efficacement contre le tabac et faire en sorte que l’Europe soit enfin au coeur d’une initiative commune, nous vous invitons à voter la proposition de résolution européenne.

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