Intervention de Valérie Corre

Séance en hémicycle du 8 juin 2015 à 21h35
Protection des sportifs de haut niveau — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Corre :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, madame la rapporteure, chers collègues, le texte que nous examinons ce soir représente un progrès social considérable pour les sportifs et les sportives qui exercent leur activité en France. En effet, au-delà des caricatures ou de certaines situations démesurées, la plupart des athlètes de haut niveau exercent leur activité sportive dans des conditions matérielles et sociales précaires : ils ont donc réellement besoin que l’État les protège. De fait, nous avons le devoir tout particulier de nous assurer que les conditions d’exercice de ces sportifs, lorsqu’ils concourent dans les compétitions internationales et représentent la France, sont dignes et reconnues par la loi. Cette proposition de loi a précisément pour objet de protéger les sportifs et sécuriser leur situation. Je tiens de nouveau à saluer le travail effectué par Brigitte Bourguignon, notre rapporteure, qui, par ses ultimes auditions, est parvenue à obtenir l’adhésion de l’ensemble des organisations représentatives et des groupes politiques autour de ce texte.

Cette proposition de loi protège et sécurise l’activité des trois familles de sportifs. Tout d’abord, les sportifs rémunérés par des primes, à l’instar des golfeurs ou des tennismen – qui nous ont fait vibrer au cours de la quinzaine de Roland-Garros – se voient reconnaître le statut de travailleur indépendant.

Ensuite, les sportifs et les entraîneurs professionnels salariés bénéficient de l’inscription dans la loi d’un contrat à durée déterminée plus protecteur pour tous, qui devient la norme dans le sport professionnel. Ce contrat à durée déterminée sera, au minimum, de douze mois et, au maximum, de soixante mois – ou trente-six mois dans le cadre d’un premier contrat. C’en est donc fini des mauvaises pratiques de certains clubs, des contrats de neuf ou dix mois couvrant la saison sportive et laissant pour le reste de l’année le joueur et l’entraîneur sur le carreau.

Sécuriser la situation sociale de ces sportifs salariés, c’est aussi les accompagner dans la préparation de leur reconversion. Une carrière de sportif est courte, nous le savons, et est en permanence incertaine, à la merci d’une blessure et de l’impressionnante concurrence du sport professionnel. La durée moyenne de la carrière professionnelle d’un joueur de football est de sept à huit ans ; elle est de six ans pour un volleyeur. Il est donc nécessaire, dès le centre de formation, de construire un projet professionnel en dehors du terrain : tel est l’objet des dispositions de l’article 10, qui font obligation aux associations et aux sociétés sportives d’assurer un suivi socioprofessionnel des sportifs professionnels salariés. Sur ce point, j’ai fait adopter un amendement en commission, afin de permettre aux entraîneurs professionnels de participer à la définition de ce suivi des joueurs, conformément à leur rôle d’éducateur.

Enfin, ce texte de loi vise à mettre fin à une profonde injustice. En effet, les sportifs de haut niveau, inscrits sur une liste ministérielle, qui représentent pour la France une chance de médaille aux Jeux olympiques, ne disposent pas, à l’heure actuelle, d’une couverture contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, pas plus qu’ils n’ont d’assurance individuelle accident. Lorsque l’on sait que ces sportifs s’investissent quotidiennement dans la pratique de leur sport au détriment de toute carrière professionnelle, et que 40 % d’entre eux en retirent moins de 500 euros par mois de revenus, on devine les conséquences désastreuses que peut entraîner une blessure soudaine ou un arrêt de carrière prématuré. Il est insupportable que des sportifs, qui décident de dédier leur jeunesse et leur carrière à un sport, et qui représentent l’équipe de France à travers le monde, puissent vivre sous le seuil de pauvreté dans leur propre pays.

Ce texte offre aussi un cadre sécurisé et protecteur à une pratique courante dans le sport professionnel : les mutations temporaires, que l’on dénomme, plus familièrement, les prêts de joueurs. Si cette pratique répond à la fois aux besoins des clubs, pour pallier des blessures soudaines, et à ceux des joueurs, qui souhaitent se relancer, il n’en demeure pas moins qu’elle constitue une entorse au droit du travail. Je salue donc l’article 12 de la proposition de loi, qui exclut le sport du champ d’application des dispositions du code du travail relatives au prêt de main-d’oeuvre. Les mutations temporaires seront donc désormais autorisées et encadrées par la loi, tandis que la définition des modalités de prêt sera laissée à la négociation collective et aux partenaires sociaux.

Mes chers collègues, il est parfois important de revenir, comme s’y emploie cette proposition de loi, à l’essence même du sport, à sa réalité concrète sur nos territoires : celle de travailleurs qui, comme dans tout secteur d’activité, investissent du temps dans leur carrière – en l’occurrence dans le sport professionnel – et ont besoin d’être protégés par l’État, au même titre que tout salarié. Lorsqu’on est un jeune sportif, que l’on vit sa carrière dans le rêve et la passion, on peut aussi perdre le sens des réalités. George Best, le célèbre footballeur anglais des années soixante, a déclaré : « j’ai dépensé beaucoup d’argent dans l’alcool, les filles et les voitures de sport ; le reste, je l’ai gaspillé. » À la lumière de ce témoignage, on comprend tout l’intérêt que revêt ce texte pour sécuriser la situation des jeunes sportifs et préparer leur reconversion.

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