Intervention de Dominique Raimbourg

Séance en hémicycle du 9 juin 2015 à 15h00
Statut accueil et habitat des gens du voyage — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Madame la présidente, madame la ministre du logement, mes chers collègues, je vais soumettre à l’Assemblée un texte concernant le groupe social que constituent les gens du voyage.

Ce groupe, composé de 350 000 à 400 000 personnes, est hétérogène. Cent mille de ces personnes environ voyagent, qu’il s’agisse d’industriels forains ou de commerçants ; les autres voyagent beaucoup moins, de moins en moins pour certains, et se sédentarisent.

Les origines de ce groupe hétérogène remontent assez loin. Selon les savants sur le sujet, une partie des gens du voyage viennent de l’Europe de l’Est ou de l’Inde, une partie d’entre eux seraient les descendants de combattants de la guerre de Trente Ans, et une troisième partie de sédentaires qui ont peu à peu adopté un mode de vie nomade.

Quoi qu’il en soit, cette histoire a souvent été assez sombre. Je vous rappelle l’édit de Louis XIV, qui condamnait les gens du voyage aux galères. Histoire encore plus sombre, évidemment, celle de l’Allemagne nazie, avec sa politique d’extermination, mais cela ne doit pas cacher que, dans le même temps, la France de Vichy obéissait à l’occupant. Dans un premier temps, en avril 1940, elle assignait les gens du voyage à résidence et, dans un second temps, en octobre 1940, procédait à leur internement. Il reste aujourd’hui près de vingt-sept de ces camps et il faut rappeler qu’il n’a parfois été mis fin à cet internement qu’un certain temps après la cessation des hostilités.

La loi de 1969 est l’héritière de cette histoire, même si elle se voulait plus humaine et était une version plus douce de la loi de 1912, qui avait institué un véritable carnet anthropométrique permettant d’identifier les gens du voyage.

Cette histoire, curieusement, a produit du consensus.

La critique, d’abord, est unanime à l’encontre de ces dispositions présentées comme discriminantes, position de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, en 2007, de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme en 2008, du comité des droits de l’Homme de l’ONU en 2014, du Défenseur des droits en 2014 et, enfin, du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en 2014.

Mais, curieusement, il y a aussi un consensus pour essayer de répondre à la question que soulève la cohabitation entre un groupe majoritaire composé de sédentaires et un groupe minoritaire composé de gens du voyage. La loi Besson du 5 juillet 2000 en est d’ailleurs l’illustration. Elle a été votée quand Lionel Jospin était Premier ministre ; la droite a continué de l’appliquer ; et, jusqu’à aujourd’hui, elle n’a jamais été remise en cause. Les rapports qui ont suivi, sur cette loi et sur la situation des gens du voyage, vont tous dans le même sens, que ce soit le rapport que nous avons remis, Didier Quentin, Charles de La Verpillère et moi-même, en 2011, le rapport de Pierre Hérisson, ancien président de la commission nationale consultative des gens du voyage, ou celui d’Hubert Derache, déposé à la demande de M. le ministre de l’intérieur de l’époque, Manuel Valls, lors d’un colloque que nous avions organisé à l’Assemblée nationale en juillet 2013. Il y a donc un consensus pour considérer que la loi doit évoluer.

C’est pourquoi je vous propose aujourd’hui plusieurs évolutions pour lesquelles je sollicite votre approbation. Elles vont essentiellement dans deux directions. La première d’entre elles, c’est l’abrogation de la loi du 3 janvier 1969. Sur ce point, la proposition de loi rejoint les conclusions du rapport de M. Derache, puisqu’elle prévoit une abrogation du livret de circulation et une réintégration des gens du voyage dans le droit commun de la République,…

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