Intervention de Jean-Patrick Gille

Séance en hémicycle du 9 juin 2015 à 15h00
Statut accueil et habitat des gens du voyage — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

Cet article 1er propose l’abrogation de la loi de 1969 instituant un régime administratif spécifique pour les gens du voyage, qui pose problème. L’abrogation ici proposée est historique. Elle met fin à une inégalité républicaine insupportable et inacceptable. Elle sonne le glas de dispositions dérogatoires et discriminatoires à l’égard des gens du voyage.

Héritière des carnets anthropométriques et de la loi sur la circulation des nomades de 1912, celle de 1969 prévoit des titres de circulation particuliers pour les personnes n’ayant pas de domicile ou résidence fixe : des carnets pour les personnes sans ressources régulières et des livrets pour les autres. Ces titres doivent être visés à intervalles réguliers par la police ou la gendarmerie, le porteur s’exposant, à défaut, à des sanctions pénales.

Le traitement discriminatoire touche également les droits civiques, car la délivrance d’un titre de circulation est conditionnée au rattachement à une commune.

Ce n’est pas tout : le nombre des personnes détentrices d’un titre de circulation sans domicile ni résidence fixe rattachées à une commune ne doit pas dépasser 3 % de la population municipale. Les gens de voyage votent dans leur commune de rattachement, mais seulement après trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune. Voilà les discriminations.

En 2012, le Conseil constitutionnel a, comme cela a été rappelé, partiellement censuré cette loi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité et abrogé le carnet de circulation et le délai requis de trois ans de rattachement ininterrompu, mais il a maintenu le livret de circulation et le dispositif de la commune de rattachement, ainsi que le taux maximum de 3 % de la population.

C’est pourquoi il incombe aujourd’hui au législateur de terminer le travail, d’autant qu’on ne compte plus les instances qui enjoignent à la France d’abroger ces dispositions – le Défenseur des droits, comme cela a été rappelé, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale et même le Comité de droits de l’homme des Nations unies qui, en 2014, a condamné la France pour violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

L’abrogation de cette loi est, c’est vrai, un combat du groupe socialiste depuis plusieurs années. En 2011 déjà, dans l’opposition, nous avions déposé une proposition de loi, rejetée à l’époque. Aujourd’hui, la chance nous est offerte de mettre fin à cette discrimination. On sent bien que certains veulent faire des gens du voyage une population entièrement à part. Nous souhaitons quant à nous, avec cette abrogation, qu’ils soient des Français à part entière. C’est pourquoi je vous invite, chers collègues, à voter cette abrogation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion