Intervention de Pierre N'Gahane

Réunion du 9 février 2015 à 19h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Pierre N'Gahane, secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance :

Il n'y a pas de profil type de personnes attirées par ce discours. Pourquoi s'accrochent-ils à cette branche ? Il y a la jeune fille qui tombe amoureuse d'un salafiste – qui lui-même devient recruteur – et qui est heureuse de vivre une aventure avant de se retrouver dans une situation dramatique. Il y a le jeune au parcours délinquant, sans père ni repère, selon une formule très utilisée par les services de la protection judiciaire de la jeunesse. Il y a celui qui voit le chômage frapper sa famille, une génération après l'autre, et qui a l'impression qu'il ne s'en sortira jamais. Il y a aussi des jeunes qui ont envie de se réaliser, certains d'entre eux ayant été refusés par l'armée qui a estimé que leur profil psychologique n'était pas bon. Nous trouvons tous ces profils, de la jeune fille naïve au dur à cuire.

Nos problèmes sociétaux percutent un phénomène international qui est amplifié par la situation actuelle au Proche-Orient. Si la situation internationale s'arrangeait, les départs pour la Syrie cesseraient, comme avaient cessé les départs pour l'Algérie ou la Bosnie, mais la lame de fond resterait. Il va falloir traiter nos questions internes : définir la place de l'islam dans le paysage laïc ; élaborer des normes sociales – selon la définition d'Émile Poulat – en matière de port de voile, de menu de cantine ou d'accès à la piscine ; répondre à l'enjeu social.

Constatez-vous une désespérance de notre jeunesse ? me demandait un député. Je lui ai répondu par la négative, même si certains jeunes décrochent. Me vient à l'esprit le cas de cette jeune fille juive de quinze ans qui jouait de la musique classique et qui a basculé. L'apostasie est assez rare dans la communauté juive et on se demande ce qui a bien pu se passer. Je pense à cette autre jeune fille, issue d'une famille de culture arabo-musulmane de la classe moyenne. Le père a pleuré pendant les deux heures d'entretien, m'a expliqué que sa fille allait à la pêche avec lui, que sa fille aînée occupe un poste important dans un grand groupe de distribution. La famille était incapable de savoir ce qui avait pu se passer. Pour autant, chaque fois que nous avons creusé une situation, nous avons toujours trouvé un problème, un mal-être. De là à s'accrocher à une mouvance qui décapite, qui crucifie des gens… Comment peuvent-ils s'engager dans cette voie ?

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