Intervention de Louis Gautier

Réunion du 3 juin 2015 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, SGDSN :

Outre le cadre légal, se pose aussi la question de l'anticipation et de la planification : les commissions parlementaires ont bien entendu vocation à y réfléchir.

Il ne s'agit pas de créer une troisième force qui serait supplétive de la police, monsieur Le Bris, mais de faire évoluer le rôle d'appui, naturel aux armées, dans certaines situations d'urgence, fussent-elles durables. Des adaptations sont de toute façon nécessaires, on le verra cet été. La tâche, difficile, du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Défense est de spécifier cet épaulement des armées en fonction des circonstances – vacances, fermetures d'école ou grande manifestation internationale mobilisant de nombreuses forces de police ou de gendarmerie –, étant entendu que les forces de sécurité intérieure ont vocation à assumer l'essentiel de la mission.

D'autre part, il ne saurait être question de spécialiser des unités militaires dans la protection du territoire et la sécurisation de lieux sensibles : les unités resteront formées à tous les types de missions intérieures et extérieures ; l'intérêt du métier de militaire, au reste, réside aussi dans le fait d'assumer des missions différentes.

Au regard des comparaisons internationales, les effectifs de nos forces de police et de gendarmerie sont nombreux. Ces forces sont par ailleurs soumises à des statuts et à des organisations de carrière différents de ceux des militaires, pour lesquels l'existence de contrats courts permet en particulier d'adapter les ressources humaines aux missions. La réflexion reste donc ouverte sur les conditions d'emploi des militaires dans les opérations dont nous parlons. La réversibilité du dispositif de protection est à cet égard une notion majeure : le déploiement n'est pas plafonné à 7 000 hommes ; en cas d'urgence, il peut être porté à 10 000 hommes, et inversement en cas d'apaisement, il peut être abaissé.

Dans son actualisation, monsieur Laffineur, la loi de programmation finance à hauteur de 2,8 milliards, soit à l'euro près, la moindre déflation des effectifs : cette somme ne se substitue pas au financement des équipements, lequel jouit d'une stabilité que n'offrait pas l'affectation de ressources exceptionnelles, par définition plus aléatoires – l'exemple de l'attribution des fréquences l'a montré. Au total, l'entretien programmé des équipements et l'achat de nouveaux matériels se voient ainsi doté de 1 milliard d'euros supplémentaires. Enfin, comme le montre le rapport de l'IGF et du CGA, le faible niveau de l'inflation a en quelque sorte redonné du pouvoir d'achat au ministère de la Défense, y compris sur les équipements. Il est vrai qu'en construction, la LPM prévoit des financements étalés dans le temps, y compris au-delà de la période de programmation.

Il faut toujours écouter les inquiétudes lorsqu'elles s'expriment, bien entendu, mais n'oublions pas que nos armées sont très sollicitées, sur notre territoire comme à l'extérieur. Pour ces deux types de missions, nos militaires reçoivent de la Nation des marques d'une reconnaissance dont ils se félicitent et qu'ils peuvent d'ailleurs mesurer tous les jours pour ceux affectés, sur le territoire national, à la protection de certains sites. Ces missions sont évidemment difficiles, celles dévolues à la sécurisation des lieux sensibles impliquent parfois une certaine précarité des conditions de vie, puisqu'il n'y a pas toujours de caserne à proximité, par exemple, pour l'hébergement. Il faut donc prêter attention, à ces contraintes.

La dissuasion nucléaire, Monsieur Hillmeyer, n'est pas concernée dans cette actualisation de la LPM : en ce domaine, le discours du Président de la République à Istres a arrêté l'équation pour la présente mandature comme pour la période de la LPM, en termes d'équipement et de doctrine. La dissuasion nucléaire est pour la France un atout considérable : elle lui offre une garantie quant à sa sécurité et à son autorité internationale.

Après l'échec de la conférence relative au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), des interrogations naissent chez certains de nos alliés de l'OTAN. On constate des positions parfois un peu flottantes sur la doctrine de dissuasion de l'Alliance. Il nous appartient pourtant de défricher ensemble, l'avenir de notre sécurité collective, sans oublier que la dissuasion nucléaire, je le répète, reste pour la France une garantie non discutable de sa politique de défense.

Quant à l'Ukraine, nous souhaitons tous que le droit international finisse par prévaloir. Sans doute les Européens ont-ils manqué une occasion – et pas seulement de leur fait – de bâtir, au lendemain de la Guerre froide, ce que Mikhaïl Gorbatchev et François Mitterrand appelaient une « maison commune ». Il faut revenir à des solutions susceptibles de favoriser la paix et la stabilité sur le vieux continent, car la situation sécuritaire à l'Est demeure encore incertaine.

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