Intervention de Louis Gautier

Réunion du 3 juin 2015 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, SGDSN :

Bien sûr : le ministère de la Défense emploie des spécialistes de la défense aérienne, et celui des Transports, des spécialistes des règles d'immatriculation ou des assurances... Mais où se trouve le juriste capable de synthèse entre ces différents champs de connaissance, sinon au SGDSN ?

Quant à l'ANSSI, son positionnement me paraît exemplaire. Suite à l'accord signé la semaine dernière avec Singapour, les délégations étrangères se succèdent dans mon bureau pour m'interroger sur les problèmes de cyberprotection. Cela me permet de mesurer la pertinence des décisions prises par le Parlement, le Gouvernement et mes prédécesseurs quant à la création de l'ANSSI, outil consacré à la sécurité des systèmes informatiques, distinct des services de renseignement. Les questions que soulève, aux États-Unis, la surveillance de la National Security Agency (NSA) montrent à quel point le choix français était judicieux au regard de la protection des libertés publiques. La France, en ce domaine, n'a pas suivi la même voie que les pays anglo-saxons, où les moyens d'espionnage informatique et de protection des systèmes, y compris civils, sont regroupés au sein d'une seule et même agence.

L'Allemagne a opté pour une autre configuration encore, avec une structure elle aussi distincte des services de renseignement, mais rattachée au ministère de l'Intérieur, lequel, compte tenu des compétences fédérales des Länder, a cependant une dimension interministérielle. L'Allemagne, d'ailleurs, s'interroge sur ce positionnement.

On pourrait envisager de placer l'ANSSI, vue son positionnement actuel, sous la tutelle directe du Premier ministre : cela ne changerait pas grand-chose, sinon que cette tutelle serait dans les faits directement assurée par le cabinet du Premier ministre au lieu du SGDSN. Le rattachement de l'ANSSI au SGDSN présente cependant un autre avantage : il permet par son truchement de maintenir un dialogue et une veille technologique avec les services de renseignement – une bonne défense passe en effet par la connaissance des moyens de l'adversaire. Plus généralement, le SGDSN, en appui du coordonnateur du renseignement, est une interface utile sur certains sujets entre ces divers services.

Où transféreriez-vous, monsieur Guilloteau, les autres compétences interministérielles au coeur des missions du SGDSN, comme la compétence du Premier ministre en matière de contrôle des exportations d'armement ? Qui assurerait la planification des gestions de crise et la préparation des Conseils de défense ? Et l'élaboration de plan comme Vigipirate ? Ce que vous supprimeriez serait in fine recréé sous une autre forme. À moins de priver les Conseils de défense de tout moyen de préparation de ses séances et de tout relevé de décision, bref de la visibilité sur la continuité de leur action, il faudrait bien créer un secrétariat dévolu à cette tâche. Sans secrétariat permanent, toute instance est en effet privée de mémoire et les décisions soumises à l'arbitrage des autorités politiques souffriraient d'un déficit d'instruction.

J'attache un intérêt tout particulier pour le monde universitaire, madame Fioraso. C'est un milieu par nature ouvert aux échanges, où il était donc nécessaire de convaincre sur les exigences de protection, même si cela a pu être fait initialement, de manière un peu abrupte. La communauté la plus récalcitrante, à cet égard, est celle des mathématiciens, habituée aux échanges scientifiques planétaires. La cryptologie, défi majeur de la cyberdéfense, requiert par exemple des capacités en matière de détourage ou de précision, selon les cas. Je rencontrerai prochainement les présidents d'université pour évoquer avec eux ces sujets : le dialogue doit se faire dans un climat constructif. Je suis moi-même le premier partisan des échanges universitaires, et suis conscient que la science s'ensemence de ses échanges. Inutile de transformer les laboratoires en blockhaus, bien entendu, mais dans des secteurs précis – chiffrement mais aussi biologie ou nucléaire, par exemple –, des précautions s'imposent.

L'analyse et la discussion sur les surcoûts des opérations intérieures sont en effet devant nous, monsieur Nauche : le Gouvernement et le Parlement devront s'y atteler. Des crédits du ministère de l'Intérieur sont d'ores et déjà réservés aux audits de sécurité des sites protégés que j'évoquais – et même, s'il en est besoin, à des matériels de surveillance –, étant entendu que les responsables des lieux concernés doivent aussi se saisir de la question. Il s'agira de croiser les diagnostics des ministères de l'Intérieur et de la Défense, mais l'établissement de la cartographie incombe d'abord aux acteurs locaux, à commencer par les préfets.

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