Intervention de Adrien Jaulmes

Réunion du 10 mars 2015 à 9h30
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Adrien Jaulmes :

En d'autres termes, vous m'interrogez sur la façon dont se mêlent le religieux et le politique. C'est le problème, dans la mesure où les deux sont liés de façon indissoluble dans la plupart des idéologies islamistes.

Je précise que ce dernier terme recouvre des réalités très diverses : les Frères musulmans sont les ennemis jurés des salafistes et des saoudiens, pour des raisons un peu obscures, mais qui ont essentiellement trait à leur rapport à la démocratie : les Frères musulmans considèrent la démocratie comme un instrument permettant de reprendre le pouvoir, et les salafistes considèrent que la participation à un système démocratique est inacceptable. En revanche, tous ces mouvements ont en commun de considérer que l'islam est un projet à la fois de société, politique et religieux – ce que la pensée occidentale a beaucoup de mal à appréhender.

Je peux vous donner l'exemple du grand ayatollah Ali Sistani, l'un des plus grands ayatollahs du monde chiite, un Irakien d'origine iranienne qui vit en reclus à Nadjaf mais qui, quand la situation l'exige, prononce des fatwas qui sont suivies par tous les chiites de l'Irak et au-delà de l'Irak. C'est aussi quelqu'un qui ne fait pas de séparation entre le religieux et le politique.

Venons-en à l'attrait que l'État islamique peut avoir pour une jeunesse un peu déboussolée ou en quête d'idéal, qui épouse la cause la plus violente et la plus radicale. Je suis d'accord avec vous : le phénomène peut être considéré comme sectaire. Mais j'observe que la réalité est un peu différente de leurs attentes. Beaucoup de ces jeunes occidentaux, qui s'engagent parfois avec une vision un peu floue du contexte géopolitique, vont devoir combattre non pas contre des nouveaux croisés ou des impérialistes américains, mais contre une armée arabe irakienne chiite, ou une armée arabe syrienne, voire d'autres mouvements islamiques ou d'autres personnes partageant la même vision du monde qu'eux. Le paradoxe est là.

Enfin, il ne faut pas aller trop loin et essayer de séparer ce religieux du politique. Sinon, on aboutit à des explications bancales et à de fausses conclusions comme « les djihadistes se servent de la religion mais ne croient pas du tout » ou « c'est un mouvement purement religieux, nihiliste, eschatologique qui n'a aucune ambition territoriale ». Je pense qu'il faut appréhender les choses dans leur ensemble.

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