Intervention de Jean-Charles Brisard

Réunion du 12 février 2015 à 10h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Jean-Charles Brisard, président du Centre d'analyse du terrorisme :

Le financement de l'État islamique nous met face à un phénomène auquel nous n'avons jamais été confrontés dans le passé. L'assise territoriale de cette organisation est la cause principale de nos difficultés. L'État islamique a acquis des richesses et contrôle des ressources naturelles. Aujourd'hui, la volonté de la coalition est de ne pas appauvrir l'Irak et la Syrie en ciblant ces ressources naturelles. Les règles d'engagement pour les frappes aériennes excluent les puits de pétrole, les réserves de gaz naturel, les mines, etc. Il est dès lors très difficile de limiter l'accès de cette organisation à des ressources financières, même si l'on cible les moyens de transport et de raffinage.

Quant au chiffre de 2 000 milliards de dollars, il correspond aux réserves qui se trouvent sous le contrôle de l'État islamique : réserves pétrolières, gaz naturel, mines de phosphate, etc.

Il faut également s'interroger sur le contrôle qu'a l'État islamique de plusieurs établissements bancaires – environ 24 à Mossoul, à Rakka, à Deir Ezzor. Aujourd'hui encore, aucune sanction internationale ne vient frapper ces établissements qui, j'en ai eu la confirmation tout récemment, continuent à effectuer des transactions internationales. Nous sommes en effet dans un régime de sanctions ciblées et de gel des fonds qui nous oblige à identifier des individus, des intermédiaires ou des sociétés pour bloquer leur accès au système financier international. Ce travail est encore à faire. Il demande du temps et il est rendu compliqué, j'y insiste, par l'implantation territoriale de l'État islamique : les pays de la coalition ne veulent pas pénaliser les populations en les privant de ressources naturelles.

Pour en venir à votre dernière question, je considère que le Gouvernement a agi à la fois promptement et avec mesure, préservant l'équilibre entre les impératifs de sécurité et les impératifs de l'État de droit. On a pris les mesures minimales nécessaires pour tenter d'endiguer le départ de certains citoyens français. Nous aurions souhaité des mesures complémentaires, notamment au plan symbolique : le délit-obstacle d'interdiction de combattre à l'étranger sans autorisation, que j'ai évoqué, ainsi que des dispositions pour mieux protéger les mineurs, qui sont souvent emmenés contre leur gré par leur famille – leur père parfois – sur le théâtre d'opérations syro-irakien. Pour autant, je ne crois pas que l'on puisse aller beaucoup plus loin sans une véritable harmonisation au plan européen.

L'Europe, on le sait, est menacée tous les jours, et même plusieurs fois par jour en ce moment, par des groupes djihadistes terroristes. Il faut donc que l'action s'inscrive dans le cadre de l'Union, et je sais que le gouvernement français y est attaché.

En France, nous avons encore un travail important à mener en amont pour ce qui est de la prévention de la radicalisation. Beaucoup d'idées sont avancées mais peu d'initiatives prises.

Comment traiter, aussi, le problème du retour des djihadistes, en distinguer les ultra-radicalisés, susceptibles de se livrer à des actes violents, et ceux qui reviennent désillusionnés ou traumatisés par les abominations auxquelles ils ont assisté, et qu'il s'agit de traiter et de réinsérer progressivement dans la vie normale ?

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