Intervention de Claude Goasguen

Réunion du 12 février 2015 à 10h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen :

J'ai du mal à comprendre la distinction que vous faites entre djihadiste et terroriste. Je n'arrive pas à croire que cet engagement, qui prend parfois le style d'une croisade, soit uniquement dû à des phénomènes religieux. Les croisades ont été menées au nom de la religion, certes, mais elles ont entraîné derrière elles beaucoup de « droits communs » qui ont commis des exactions terribles. Quelles sont les convictions d'un Breton ou d'un Martiniquais qui part faire le djihad ? Et ces jeunes de banlieue habitués à jouer les petits caïds, ne cherchent-ils pas, au fond, à étendre leur caïdat ? Là-bas, on commande, on tue, on viole, on vole de l'argent. Derrière la phraséologie djihadiste, il conviendrait d'analyser ce qui relève du pur droit commun, car ces individus sont de toute façon des délinquants.

Sauf, peut-être, en ce qui concerne l'occupation d'un territoire, qu'est-ce qui distingue les luttes entre mafias et la lutte entre Al-Qaïda et Daech ?

Combattre à l'étranger, en l'occurrence, signifie porter des armes contre la France. Cela relève donc du domaine militaire, comme le confirme le Premier ministre lorsqu'il parle de « guerre asymétrique ». Dès lors, pourquoi ne pas faire une translation des actes commis vers le militaire ? Pourquoi ces individus qui tuent des Français et qui sont eux-mêmes Français devraient-ils passer devant des tribunaux ordinaires. Au XIXe siècle, tout Français pris les armes à la main contre son pays passait devant une commission militaire. Considérera-t-on un jour que la guerre asymétrique n'est pas simplement une affaire de droit commun mais une affaire militaire ? Ce sont des militaires qui sont au combat au sein de Daech, et lutter contre l'armée française est un crime militaire. Le Patriot Act, que l'on se plaît à accabler, ne fait rien d'autre que de charger l'armée et la CIA de la lutte contre les exactions commises dans ce cadre.

La question se pose également pour la déchéance de nationalité, mesure, il est vrai, assez inefficace. Il était bien inutile de consulter le Conseil constitutionnel pour qu'il nous dise d'appliquer la loi portant à quinze ans le délai entre l'acquisition de la nationalité et les faits reprochés. Le Conseil ne perçoit pas le contexte guerrier dans lequel s'inscrivait la déchéance de nationalité, applicable tant en 1917 qu'en 1940 aux doubles nationaux sans qu'il soit question de délai. Bref, faut-il adopter une législation de guerre dans un pays dont le gouvernement nous dit qu'il est en guerre asymétrique ?

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