Intervention de Marc Trévidic

Réunion du 12 février 2015 à 14h15
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Marc Trévidic, vice-président chargé de l'instruction au sein du pôle anti-terroriste au tribunal de grande instance de Paris :

Nous signons déjà des listes de numéros de téléphone des familles que les détenus sont autorisés à appeler ; l'installation de lignes fixes n'empêchera pas les contacts occultes par les téléphones portables. La règle primordiale est qu'il ne doit y avoir aucun téléphone portable en prison ; elle doit être respectée. On a du mal à surveiller ces gens quand ils sont hors les établissements pénitentiaires ; quand ils sont en maison d'arrêt, on doit arriver à un minimum !

M. Loncle m'a interrogé sur les bonnes pratiques. Supermax, à Colorado Springs, est la prison de haute sécurité où les Américains placent leurs terroristes. C'est là, par exemple, qu'est incarcéré Zacarias Moussaoui. J'y suis allé plusieurs fois et, de mon point de vue, ce qui est fait est excessif : les prisonniers n'ont jamais aucun contact physique avec personne, même pas avec leur avocat.

Cela ne signifie pas que l'on ne puisse trouver une solution satisfaisante, à mi-chemin entre Supermax et la situation actuelle, insatisfaisante, dans les maisons d'arrêt françaises. À Fresnes, il y a une incompréhension persistante. Ceux qui font du prosélytisme sont des dangers publics qui doivent à tout prix être mis à l'isolement. Mais, d'autre part, il y a des jeunes gens qui ont voulu aller en Syrie, y sont restés 15 jours et sont revenus d'eux-mêmes ; on a peut-être une chance de les remettre dans le droit chemin, mais aucune s'ils sont en contact avec les gros durs. S'ils sont soumis à cette propagande, ils sortiront de la maison d'arrêt dans 4 ou 5 ans beaucoup plus dangereux qu'ils n'y sont entrés.

Voilà pourquoi il ne faut pas généraliser et mettre ensemble tous ceux qui ont la qualification de « terroriste ». Il faut tous les sortir du système pénitentiaire classique puis séparer ceux pour lesquels on peut faire quelque chose de ceux pour qui cela n'est plus possible - et nous savons les distinguer. J'ai quatre détenus à Fresnes, dont je connais les dossiers ; l'un deux n'a pas du tout le même profil que les trois autres, et ce mélange n'est pas bon. Dans cette population à part, il y a d'un côté des leaders dangereux, d'un autre côté ceux qui se sont laissés entraîner et qui sont récupérables ; c'est sur eux qu'il faut mettre les moyens disponibles, non sur Djamel Beghal, qui serait capable de radicaliser la psychologue qu'on lui enverrait !

Avec ceux qui ne sont pas fondamentalement radicalisés, il y a une marge de manoeuvre ; leur passage à la maison d'arrêt doit donc servir à quelque chose. Proposer un dispositif spécifique quand ils en sortent, c'est dire que l'on estime que le temps passé en maison d'arrêt ne sert à rien.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion