Intervention de Marc Trévidic

Réunion du 12 février 2015 à 14h15
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Marc Trévidic, vice-président chargé de l'instruction au sein du pôle anti-terroriste au tribunal de grande instance de Paris :

Si la formulation de votre question était : « Si vous aviez su que Mohamed Merah était allé au Waziristan, Mehdi Nemmouche en Syrie avec l'État islamique et Saïd Kouachi au Yémen alors qu'il était sous contrôle judiciaire dans un dossier terroriste, les auriez-vous considérés comme très dangereux ? », j'aurais répondu « oui ». Mais ai-je les informations qui me permettent de le dire ? Ce sont des gens connus, et il y a manifestement eu un retard à l'allumage dans l'appréhension de l'ampleur des informations permettant de cibler leur degré de dangerosité. Il est vrai que, même pour les individus que nous connaissons, nous avons du mal à faire des évaluations très exactes.

Pour ce qui est des moyens d'enquête, mis à part le fait que nous ne disposons toujours pas du logiciel espion prévu par la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2) en 2011, aucun dispositif n'ayant été agréé – ce que je vais répéter devant toutes les commissions parlementaires – les juges d'instruction ont des pouvoirs importants, puisqu'ils peuvent, par exemple, sonoriser des appartements. Le problème est de choisir dans quels dossiers le faire. En effet, les écoutes et leurs transcriptions ainsi que la surveillance d'Internet demandent un travail considérable ; or nous n'avons pas d'enquêteurs pour le faire. J'ai à connaître d'un dossier concernant des criminels terroristes vraiment dangereux ; ils ont commis un braquage pendant l'instruction, alors qu'ils étaient surveillés et qu'une sonorisation avait été installée – le son a été écouté quelques jours plus tard… Nous avons besoin de policiers, en nombre. Quand nous aurons les moyens humains, nous utiliserons les moyens techniques. Nous avons les textes nécessaires.

D'autres mouvements profitent certainement de ce que nous nous focalisons sur la menace que représente l'État islamique, mais nous ne pouvons tout faire – ni même contenir entièrement celle-là.

La nouvelle loi fixe des obligations aux fournisseurs d'accès à l'Internet, mais ils ne gèrent pas le système. Tout dépend des négociations avec les opérateurs américains : c'est eux qui peuvent couper le robinet ou faire disparaître, plus ou moins rapidement, une vidéo. Encore doivent-ils le vouloir. Il faut donc les inciter à procéder eux-mêmes au nettoyage qui s'impose mais, dans une société ouverte, il n'y a pas de solution idéale. On observe cependant que les vidéos postées par les terroristes restent moins longtemps en ligne - pas beaucoup plus d'une heure – avant d'être supprimées. Il y a donc une amélioration, et il faut continuer de pousser les opérateurs en ce sens.

Enfin, j'étais partisan de sortir le délit d'apologie du terrorisme du droit de la presse pour en traiter dans le cadre du droit commun. Ainsi peut-on juger en comparution immédiate des gens qui, auparavant, n'avaient rien à craindre de la justice ; on l'a vu après l'affaire Merah, qui a suscité des commentaires abjects. Les peines qui viennent d'être prononcées pour ce chef d'accusation ont été très fortes, mais cela va se réguler et elles seront plus mesurées.

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