Intervention de Céline Berthon

Réunion du 10 mars 2015 à 10h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Céline Berthon, secrétaire générale du Syndicat des commissaires de la police nationale, SCPN :

Il serait bon que nous recherchions des propositions plutôt que des responsabilités. La lutte contre le terrorisme islamiste, ou le djihadisme, nous implique tous. Cette lutte n'est assurément pas une science exacte et, quel que soit le degré de mobilisation des policiers et des services de renseignement, nous savons tous que nous ne pourrons jamais tout empêcher et que la survenance d'un fait ne sera pas nécessairement la traduction d'une faillite du système ou d'un manquement de la part de policiers ou de représentants des services de renseignement.

Nous nous accordons tous sur l'acuité du phénomène et, pour y faire face dans les meilleures conditions, nous devons disposer des moyens juridiques et matériels adéquats. Les récentes annonces du Gouvernement en matière de renforcement des moyens accordés aux services judiciaires et de renseignement étaient attendues parce qu'indispensables ; elles n'en restent pas moins insuffisantes. Nous escomptons une montée en puissance des moyens juridiques des services de renseignement. Vous reconnaîtrez en effet qu'il est pour le moins surprenant que ces derniers aient moins de possibilités que les réseaux sociaux, que l'interconnexion des fichiers constitue encore un tabou en France ; la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est une « enquiquineuse » – je le dis comme je le pense – pour les services de renseignement et de police, alors même que, dans chacune de ces entités, nous disposons de professionnels animés par la volonté de remplir leurs missions et d'assurer la sécurité du pays. Il serait donc important d'inverser la tendance et de redonner des moyens élémentaires aux services de renseignement.

J'appelle par ailleurs votre attention sur le fait qu'en créant un tamis de plus en plus fin, on aboutit à un nombre de profils à risque très important – on évoque plusieurs milliers de personnes – sans qu'on ait toutefois la capacité matérielle de les « traiter », de les neutraliser durablement ou de procéder à leur déradicalisation après incarcération ou à la suite d'une interdiction de sortie de territoire. La police et les services de renseignement ne disposent pas de toutes les solutions.

Nous sommes convaincus que la lutte contre le terrorisme passe par la mobilisation des services spécialisés – judiciaires et de renseignement –, mais il convient de ne pas oublier la police du quotidien, en particulier les primo-intervenants. Les événements du mois de janvier ont mis en évidence la fragilité de ces derniers dans ce type de situation – que nous vivrons à coup sûr à nouveau. Au-delà du savoir-faire des unités d'intervention telles que Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion (RAID), les brigades de recherche et d'intervention (BRI) ou les groupes d'intervention de la police nationale (GIPN), qui ont montré leur professionnalisme là où elles ont été amenées à intervenir, les policiers primo-intervenants seront toujours confrontés à la nécessité de fixer une situation face à des individus à la logique meurtrière. Notre préoccupation de chefs de service est de donner à ces policiers d'abord la capacité de se défendre puis celle de réagir dans un cadre juridique qui les protège. Or, le cadre juridique en vigueur ne le permettant pas, il faut l'adapter à cette fin.

En somme, nous entendons veiller aux moyens des services de renseignement, à leur articulation, à l'efficacité des services judiciaires mais aussi à la protection et aux conditions d'intervention des policiers qui resteront les premiers à intervenir à l'occasion de ce type de tuerie.

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