Intervention de Jean-Claude Delage

Réunion du 10 mars 2015 à 10h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Jean-Claude Delage, secrétaire général du syndicat Alliance police nationale :

À notre avis, il faut agir avant, pendant et après, et nous préoccuper notamment des relations que doit entretenir la police avec la justice, qui a aussi des cellules de prévention de la radicalisation et ses problèmes d'effectifs. Avant d'en venir à des propositions plus concrètes, je voudrais insister sur cet aspect philosophique : si la République française n'admet pas la nécessité de mesures d'exception techniques et juridiques pour faire face à cette guerre exceptionnelle, les policiers vont avoir du mal à lutter.

Nous avons retenu quelques thèmes majeurs : les interceptions de sécurité, la téléphonie et les fadettes, les réseaux sociaux, les sources, les croisements de fichiers, les bureaux de liaison, les fiches de postes, la formation qualifiante.

Le schéma des interceptions de sécurité n'est pas adapté et il faut revoir les procédures d'autorisation, le nombre d'interceptions, etc.

La téléphonie, les fadettes et les réseaux sociaux ont déjà suscité nombre de commentaires.

Pour ma part, je voudrais insister sur les sources. Certaines personnes, sans doute mal informées, viennent encore parler à la police, notamment sur des questions aussi sensibles que celles-là. Ces sources ne sont pas assez protégées, en particulier par l'anonymat de leur témoignage. Si elles courent un risque, elles vont se tarir : plus personne ne viendra apporter un quelconque renseignement ou concours aux forces de sécurité. Cette réflexion sur les sources émane à la fois de fonctionnaires de terrains de la DGSI ou du SCRT, et de fonctionnaires qui participent à la mission du renseignement en étant parfois hors de la police ou de la gendarmerie nationale.

Le croisement des fichiers est aussi un thème récurrent et tous les fonctionnaires de terrain se plaignent de ne pouvoir travailler avec le système actuel.

S'agissant des bureaux de liaison, l'administration en a créé un entre la DGSI et le SCRT qui, à notre avis, devraient être plus imbriqués qu'ils ne le sont. Dans le SCRT, des collègues s'occupent d'islamisme radical et ils sont parfois habilités au secret défense. La création d'un bureau de liaison est une bonne chose, mais les collègues du SCRT se plaignent de n'avoir souvent aucun retour concernant les informations qu'ils ont données, ce qui peut poser des problèmes de fonctionnement.

Je ne vous parlerai pas des fiches de postes, qui relèvent de l'organisation interne.

Au chapitre de la formation qualifiante, je vais citer le général Favier, ce qui ne m'arrive pas souvent. Dans un entretien accordé à l'agence AEF Sécurité globale, il parle de manière lucide de ce qu'il conviendrait de faire, notamment à propos des primo-intervenants : « Les gendarmes qui sont dans les brigades doivent être associés à ce recueil de renseignements, à cette lutte contre la radicalisation, à la détection des signaux faibles. »

Ce point, très intéressant, devrait être mis en application dans la police nationale, car beaucoup de policiers qui travaillent dans des directions non spécialisées – commissariats d'arrondissement de Paris, commissariats de sécurité publique de province, police aux frontières – sont toute la journée au contact de signaux faibles lors de leurs patrouilles, tout comme les gendarmes dans leurs brigades. Il faut donc former au renseignement et à la détection les policiers qui vont en patrouille sur la voie publique et qui sont les premiers au contact des signes faibles de radicalisation. M. Jean-Marc Falcone, le directeur général de la police nationale, l'a probablement préconisé, mais je n'ai pas lu d'entretien qu'il aurait donné.

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