Intervention de Jean-Paul Mégret

Réunion du 10 mars 2015 à 10h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Jean-Paul Mégret, secrétaire national du Syndicat indépendant des commissaires de police :

Avant de répondre à votre question, j'aimerais revenir à la CNIL. Les textes fondateurs de la CNIL, qui datent de janvier 1978, n'ont pas prévu la quantité de traitements de fichiers numériques désormais rendus possibles par internet. La CNIL est donc très en retard en termes de big data, si vous me permettez cet anglicisme. Sur sa tablette ou son smartphone, un simple particulier qui consulte un site peut se voir proposer des croisements de fichiers que les services de l'État, pourtant tracés et légalement investis, n'ont pas le droit de faire. Cet énorme hiatus montre que ce texte très ancien – que la CNIL ne fait qu'appliquer – n'est pas adapté à internet. Si nous en restons là, nous resterons bloqués à une époque où les fichiers étaient gérés manuellement. Il est très difficile de ne pas prendre en compte les progrès du numérique et les croisements de données que chacun peut faire à titre privé, de manière quasi automatique.

Quant à la déradicalisation à la danoise, elle a montré ses limites, notamment parce qu'elle se pratique quasi exclusivement en milieu ouvert, ce que nous ne pouvons cautionner pour la France.

Quelle serait l'organisation optimale ? N'oublions pas trop vite les dysfonctionnements qui existaient à l'époque de la DCRG, une organisation qui était un peu en déshérence depuis 1995, suite aux évolutions du suivi politique et sociétal pour lequel elle avait été initialement créée. Il paraissait légitime de vouloir un dispositif beaucoup plus technique, avec des garanties qu'ont successivement offertes la DCRI puis la DGSI.

En ce qui concerne les relations entre le renseignement territorial et la DGSI, il s'agit moins de se préoccuper d'histoires de concurrence entre directions que de savoir comment parvenir à gérer la masse des données qui remontent lors de réunions et de partenariats locaux, y compris en provenance de l'éducation nationale. Cette masse est telle qu'elle est difficilement traitable, même quand les antennes locales du renseignement territorial et la DGSI se partagent la tâche.

Nous sommes, par exemple, informés que certains parents empêchent leurs enfants de participer à des fêtes d'écoles maternelles ou primaires, afin qu'ils n'écoutent pas de musique. La famille n'est pas forcément dans un processus djihadiste, mais nous devons nous en assurer. Le plus désespérant est que, même si nos effectifs augmentaient de manière exponentielle, cette masse d'informations serait encore difficilement traitable : les signaux arrivent de toutes parts et une menace succède à une autre. Quand le traitement judiciaire, à partir de la garde à vue, ne se solde pas par une incarcération, il faut poursuivre la surveillance en milieu ouvert. En l'état actuel des choses et des menaces, tous les services de police et de gendarmerie coopèrent mais ils sont incapables de tout traiter.

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