Intervention de Francis Sauvadet

Réunion du 10 mars 2015 à 10h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Francis Sauvadet, Unité SGP Police-FO :

Je souhaiterais apporter le témoignage d'un policier provincial de la DGSI. Je suis surpris de constater qu'une évolution doctrinale majeure de notre direction ne soit pas plus discutée. Je veux parler de la judiciarisation. Aujourd'hui, nous traitons judiciairement une partie des dossiers qui ne nous étaient pas dévolus auparavant. Cette évolution est très importante.

Cela étant dit, pour répondre à votre question, il pourrait y avoir, dans les tribunaux de grande instance (TGI), un magistrat, et un seul, qui s'occuperait des problématiques de l'antiterrorisme. Le problème qui a été évoqué à l'instant n'est que parisien. Le parquet antiterroriste et la DGSI travaillent en proximité puisque tout le monde est à Paris ou Levallois. Mais lorsque l'on est à Clermont-Ferrand, dans le ressort de la prison de Moulins-Yzeure ou ailleurs, quels sont nos interlocuteurs ? A qui s'adresser si l'on veut obtenir, non pas un contrôle, mais simplement une discussion ? Faut-il se rapprocher des juges parisiens, ou essayer de travailler localement ? Au quotidien, nous n'avons pas d'interlocuteurs attitrés au sein des services judiciaires.

Pour avoir travaillé aux renseignements généraux, je connais bien le travail qu'on y fait et j'affirme que, si le renseignement territorial n'a pas les moyens d'accomplir sa mission, la DGSI n'aura pas non plus les moyens d'accomplir la sienne. Les gens qui y travaillent sont semblables aux orpailleurs : nous sommes là pour sortir la pépite, mais le sable, c'est le RT qui va le chercher au fond de la rivière. Les signaux faibles qui ont été évoqués représentent un travail quotidien. J'ignore où il faut placer dans l'organigramme les gens qui font ce travail, mais il faut les protéger. La réalité, c'est que tout repose sur l'appétence du directeur départemental de la sécurité publique pour la matière. S'il s'y intéresse, on a un service de RT qui fonctionne ; sinon les agents se contentent d'être une brigade d'intervention sur la voie publique, font éventuellement du maintien de l'ordre à l'occasion de problèmes sociaux, mais plus du tout du renseignement.

À la DGSI, nous allons chercher du renseignement sans annoncer notre raison sociale : il ne faut être ni vu ni reconnu. Les agents du renseignement territorial, eux, annoncent la couleur, ils font du renseignement ouvert ; il ne faut donc pas tout leur demander. À Paris, le renseignement ouvert peut se comprendre, mais dans une ville de province ou un petit village, on ne peut pas demander à un collègue qui suit une manifestation d'aller, deux jours après, surveiller un individu en voie de radicalisation : il serait tout de suite identifié. Il faut donc faire des choix et, si l'on souhaite créer des unités de recherche, ne faire travailler ceux qui les composent qu'à couvert.

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