Intervention de éric Fievez

Réunion du 17 mars 2015 à 8h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

éric Fievez, secrétaire général du Syndicat national des cadres pénitentiaires, SNCP-CFDT :

Monsieur le président, mesdames et messieurs, nous vous remercions pour cette invitation.

Les tragiques événements du mois de janvier ont montré de manière brutale que notre société est confrontée à un phénomène de radicalisation de plus en plus fréquent et violent, qui pose un réel problème tant d'un point de vue sécuritaire que par la remise en cause de notre modèle social qu'il implique.

Au préalable, nous tenons à faire remarquer que, pour être combattu efficacement, le phénomène de radicalisation doit être appréhendé dans sa globalité et non pas uniquement dans le cercle fermé de la prison : nombre de personnes se sont radicalisées en dehors de toute incarcération ; on ne peut pas demander à la prison de réussir là où toute la société a échoué. Cette mise au point étant faite, j'admets qu'il faut réagir dès à présent à l'urgence de la situation.

La CFDT représente l'ensemble des personnels pénitentiaires, du directeur au surveillant, en passant par les agents du corps d'encadrement et de commandement. Nous pensons que les détenus ciblés qui se sont réellement orientés vers un fanatisme religieux dangereux et parfois, il faudra bien l'admettre, irréversible, ne représentent qu'une minorité. La plupart d'entre eux sont des personnes en perte de repères, souvent jeunes, de petits délinquants ou des criminels déjà avertis. Certains sont parfois tout simplement en quête d'aventure et d'exaltation.

Aussi l'importance du fait religieux doit-elle être relativisée et convient-il d'avoir une gestion très fine de la mesure dite d'isolement. Quels critères de sélection retenir ? Quelle doit être la durée de cet isolement ? Quel doit être son but ? Cette procédure dite d'isolement du reste de la population pénale aurait le mérite de limiter « l'intoxication » des autres détenus, mais elle ne saurait être une réponse totalement satisfaisante au présent défi.

Répétons qu'il faut avoir une vision globale de ce problème. En détention tout comme à l'extérieur, il faut développer toutes les activités permettant aux personnes de se sociabiliser et d'être encadrées : formation, école, travail, sports, activités socioculturelles et formation religieuse. La religion musulmane est sujette à interprétation comme toutes les religions, et elle souffre de ne pas avoir de représentants clairement identifiés. Cette caractéristique facilite les prêches d'imams autoproclamés aux discours souvent exaltés et violents. À cet égard, nous sommes favorables à l'augmentation du nombre d'aumôniers musulmans, tout en constatant que les musulmans radicaux refusent de reconnaître leur autorité religieuse et choisissent leurs propres prêcheurs.

S'agissant des personnels, il nous paraît essentiel qu'ils bénéficient d'une formation à la hauteur des enjeux. Il est certes intéressant de développer le renseignement pénitentiaire en multipliant les postes de délégués locaux ou interrégionaux au renseignement pénitentiaire. Mais n'est-ce pas insuffisant ? Le renseignement est l'affaire de tous les agents. Le travail d'observation doit être remis en avant et valorisé car il permet non seulement de déceler les signes de prosélytisme mais également de révéler tout ce qui a trait à la vie carcérale : détresse, colère, isolement, agressivité ou, au contraire, dynamique favorable. Les agents doivent avoir le temps et l'envie de faire ce travail d'observation. Nous espérons que le nouveau logiciel – Gestion nationale des personnes écrouées pour le suivi individualisé et la sécurité (GENESIS) – facilitera les remontées d'informations.

Dans le même temps, il faut permettre au corps d'encadrement et de commandement d'organiser ce travail d'observation, grâce à une présence accrue en détention, au contact des agents et des personnes placées sous main de justice (PPSMJ). Or, depuis des années, les missions des officiers deviennent de plus en plus administratives alors qu'il est essentiel d'aider les surveillants dans leurs tâches quotidiennes vis-à-vis des détenus. N'oublions pas que les surveillants sont en première ligne : au quotidien, jour et nuit, ils sont au contact des détenus – quelles que soient les raisons de l'incarcération de ceux-ci – et notamment de ceux qui sont identifiés comme ayant des pratiques radicalisées de l'islam (PRI).

Pour ce faire, une augmentation des moyens humains et financiers est sans nul doute nécessaire, mais les enjeux en valent la peine : il s'agit ni plus ni moins de la liberté et la sécurité de nos concitoyens.

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