Intervention de Dalil Boubakeur

Réunion du 5 mars 2015 à 9h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman :

Cela tient aux hommes : Erdoğan n'est pas Atatürk ! Bourguiba a réussi à libérer les femmes, ce qui est tout à son honneur. Aujourd'hui, aucune femme ne veut soutenir Ghannouchi alors qu'il a tenu un discours récent, très ouvert, qui m'avait étonné. En Égypte, c'est pareil.

Cette forme d'islam que nous récusons tous n'en est pas moins présente même – voire surtout – en France. Et ses tenants me menacent, comme d'autres. Qui sont d'ailleurs les « modérés », sinon les victimes de cette avalanche ? Dans n'importe quelle mosquée de France, on peut trouver des gens qui citent le Coran, mais en suivant une lecture mal contextualisée et souvent régie par l'obscurantisme wahhabite ou tablighi. Dans le onzième arrondissement de Paris, où ces gens-là sévissent, on a dû les interdire, proscrire les prières de rue et leur attribuer une ancienne caserne. Je constate qu'il existe un islam fermé, contraire aux droits de l'homme. En Arabie, les femmes sont complètement brimées, mais, hors d'Arabie, ce sont d'autres personnes. Je n'en dis pas moins que nous sommes encore sous l'avalanche de cette quatrième école, que l'Arabie et les pays du Golfe nourrissent de leurs dollars en croyant bien faire.

Et un pays comme la France, moderne, laïque, auquel son histoire religieuse interdit de nouveaux combats de religion, se laisse gagner par ce phénomène. C'est un sujet de reproche. On peut se faire tuer en pleine rue, à Paris ! Est-ce normal que l'on ait laissé faire cela ? Les pouvoirs publics ont peut-être quelque chose à en dire. La police, les services de renseignement suivent chaque mosquée, et puis, un beau jour, voilà que Merah apparaît : « Ah bon ? On l'avait arrêté, mais il n'y a pas eu de suite », etc. Nous avons laissé faire. C'est ce que j'ai appelé l'aboulie : le manque de volonté. Nous aussi, société française, nous sommes malades de la volonté, non par excès mais par défaut. La volonté politique a fait défaut, en raison de notre commerce avec l'Arabie : il faut bien vendre des tanks !

Pourquoi ne le disons-nous pas ensemble ? Pourquoi laissons-nous la situation se dégrader ainsi ? Je lance un cri d'alarme. Lorsque je disais « On est foutus », c'est parce que je sentais qu'il n'était plus possible de tenir un langage contraire à l'air du temps. Aujourd'hui, nous sommes vraiment en danger. Nos sociétés sont menacées. Vous n'imaginez pas le nombre d'associations que l'on m'a signalées et qui cultivent le piétisme sous divers prétextes. La porosité est très grande entre les différents courants, ceux-ci sont très intriqués.

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