Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 21 janvier 2015 à 16h15
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Je vous remercie de cette invitation qui me permet de partager avec vous le constat de la nouvelle forme de terrorisme à laquelle nous sommes confrontés et d'apporter à la représentation nationale toutes les explications qu'elle est en droit d'attendre. Bien sûr, je n'évoquerai pas ici certains sujets concernant l'enquête en cours ; ils peuvent toutefois faire l'objet d'une communication à la commission d'enquête, conformément au droit, dans le cadre d'une déclassification. Quoi qu'il en soit, beaucoup de ce qui est à connaître a déjà été diffusé par voie de presse.

Mon état d'esprit est non seulement de donner toutes les informations au Parlement mais aussi, avec toute l'humilité que commande ce phénomène nouveau, d'arrêter les meilleures mesures et les meilleures politiques, car nous serons d'autant plus efficaces que nous y réfléchirons ensemble. Sur pareil sujet, aucune idée ne doit être écartée a priori ; toutes doivent être examinées. Ma démarche, qui se traduit dans mes propositions au Premier ministre et dans celles qui ont été adressées par d'autres acteurs politiques avec lesquels le dialogue s'est engagé, est d'apprécier si chaque piste, chaque solution proposée est susceptible d'apporter une réponse efficace au problème auquel nous sommes confrontés.

Nous sommes face à un terrorisme d'un nouveau genre. Les attentats commis en France au cours des années 1990 l'ont été par des vétérans anciennement engagés en Afghanistan et revenus dans leur pays d'origine, l'Algérie notamment ; c'est ainsi que sont nés le Front islamique du salut (FIS) et le Groupe islamique armé (GIA). Ces attentats sont perpétrés par des groupes très fermés opérant sur notre territoire mais venus de l'étranger ; ils comptent un nombre limité d'individus et leurs opérations sont organisées en groupes extrêmement restreints par peu de personnes qui ont accès à des informations très centralisées.

Aujourd'hui, il s'agit de tout autre chose.

D'abord, la société s'est numérisée, et l'accès à l'information décuple les possibilités d'endoctrinement d'une part, d'incitation et de provocation au terrorisme d'autre part. Rien de cela n'existait dans les années 1990 ; d'ailleurs, la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques mobilisait des dispositifs de contrôle qui sont ceux d'une époque où il n'y avait ni Internet, ni une telle utilisation des moyens de communication par le biais de téléphones portables. Nous sommes désormais confrontés à un terrorisme « en accès libre », si bien que 90 % de ceux qui basculent dans les activités terroristes en s'affiliant à des groupes tels que Daech, Jabhat al-Nosra ou Al-Qaïda, notamment en Syrie ou en Irak, le font par le biais d'Internet. Un ensemble d'acteurs véhiculent par ce biais une propagande qui touche efficacement une population vulnérable, notamment nos ressortissants les plus jeunes ; ils parviennent, par des technologies numériques très abouties, à diriger vers les groupes terroristes des personnes sans la moindre culture religieuse, qui se laissent elles-mêmes séduire par le discours de gens qui n'en ont pas davantage, ou qui dévoient et instrumentalisent la religion.

Un deuxième phénomène a vu le jour : la radicalisation dans les prisons. Ce qui frappe dans l'analyse du profil de tous ceux qui sont entraînés dans des opérations à caractère terroriste, c'est l'extraordinaire fongibilité entre le monde de la petite délinquance – concentrée dans certains quartiers qui ont pu, au cours des dernières décennies, parfois devenir des espaces de non-droit – et le monde du terrorisme, soit que les petits délinquants basculent dans le terrorisme après s'être radicalisés en prison auprès de détenus radicalisés, soit qu'ils apportent un soutien logistique à des opérations sans nécessairement savoir ce à quoi ils participent. Il convient bien sûr d'attendre le résultat des enquêtes, mais l'arrestation de douze personnes proches d'Amedy Coulibaly et la mise en examen de certaines d'entre elles montrent cette fongibilité et ces complicités.

Un troisième phénomène, de bien plus large ampleur, a inspiré le discours du Premier ministre mercredi dernier : la perte des valeurs républicaines dans l'espace où la citoyenneté doit s'affirmer. Ainsi de la laïcité, principe auquel on a trop et trop complaisamment dérogé alors que la force de ce principe ne peut s'exercer que s'il est assumé pleinement en tous lieux du territoire et en toutes circonstances. On a assisté aussi à une certaine relégation sociale qui n'excuse en rien le terrorisme mais qui peut conduire des individus à des ruptures psychologiques, psychiatriques ou familiales qui forment le terreau du basculement.

Numérisation de la société, porosité entre petite délinquance et terrorisme, perte de valeurs républicaines : voilà ce qui, sans épuiser toutes les explications, donne un schéma de lecture de ce à quoi nous devons faire face.

La nouveauté, c'est que les terroristes ne viennent pas de l'extérieur : ils sont parfois sur le territoire national ou, quand ils sont partis « en opération » à l'étranger, ils reviennent en France où ils peuvent représenter un danger. Tel est le défi auquel nous sommes confrontés. Le nombre des « combattants étrangers » a augmenté de 130 % entre le début de l'année 2014 et aujourd'hui. Environ 1 300 personnes sont concernées par les activités terroristes en Irak et en Syrie : quelque 500 individus se sont rendus sur les théâtres d'opération en Syrie ou en Irak ; 200 sont revenus ; 200 ont des velléités de départ et l'on sait, grâce aux services de renseignement, qu'ils sont en relation avec des groupes qui pourraient les inciter à partir ; 200 sont, quelque part entre la France et la Turquie, en route vers la Syrie ou l'Irak.

Mais au moment de prendre des décisions et de porter des appréciations sur les services de renseignement, nous devons avoir à l'esprit que les « combattants étrangers » ne sont pas les seuls qui nous concernent. Le Premier ministre l'a rappelé ce matin : quelque 450 cellules dormantes ou en train de préparer d'éventuelles actions, affiliées à des groupes tels qu'Al-Qaïda ou actifs au Nord de l'Afrique, dans la bande sahélo-saharienne, et au Yémen, doivent être méthodiquement suivies. De plus, un millier de personnes relayent le discours de groupes terroristes sur Internet et les réseaux sociaux ; on peut se demander si elles n'ont pas elles-mêmes l'intention de passer à l'acte, et comme elles évoquent des blogs renvoyant aux « prouesses » accomplis par tel groupe terroriste ou tel autre, ne pas surveiller ce millier d'internautes qui incitent au terrorisme serait une erreur.

Si l'on agrège les différentes catégories décrites, on décompte 3 000 individus environ ; la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) rassemble 3 100 collaborateurs. J'ai bien conscience que ce raccourci est un « précipité de raisonnement » mais il vise à mettre en évidence que nous sommes confrontés à un phénomène inédit par le nombre de personnes concernées, sa progression, et le caractère protéiforme de la menace.

J'ajoute que certains de ceux qui sont partis ne trouvant pas sur place la situation qui leur a été « vendue » - beaucoup de ceux qui basculent dans le terrorisme sont persuadés qu'ils vont sauver des enfants persécutés par le régime de Bachar al-Assad – rentrent, et en nombre croissant. On assiste donc à l'augmentation du nombre de ceux qui partent mais aussi de ceux qui reviennent ; le phénomène, assez récent, s'explique peut-être aussi par les frappes aériennes.

Face à cette situation particulière dont je vous ai succinctement décrit les causes, qu'avons-nous fait, et quelles conclusions devons-nous tirer de ce qui s'est passé ? C'est ce que je vous dirai en détaillant les annonces de ce matin.

Pour commencer, nous n'avons pas attendu les événements du début de ce mois pour réagir – vous êtes bien placés pour le savoir puisque nous avons légiféré. Je rappellerai les dispositions que nous avons prises relatives à l'organisation des services, et les moyens qui leur ont été alloués. En matière législative, deux lois ont été adoptées. La première a été portée par mon prédécesseur, Manuel Valls, en décembre 2012. J'ai porté la deuxième, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, au terme d'un dialogue approfondi et trans-partisan, en reprenant dans ce texte le contenu de certaines propositions formulées par l'opposition, notamment celle de M. Guillaume Larrivé tendant à renforcer la lutte contre l'apologie du terrorisme sur Internet. Nous avons, par cet ensemble de dispositions, arrêté des mesures fortes, et sur le plan de la procédure pénale et en matière de police administrative.

Conscients de ce que permet Internet et au terme d'un débat avec des parlementaires de différentes sensibilités, nous avons décidé : l'interdiction administrative de sortie du territoire d'un ressortissant français lorsqu'il existe des raisons sérieuses de croire qu'il projette des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes ; le blocage administratif de l'accès aux sites provoquant aux actes de terrorisme ou en faisant l'apologie et leur déréférencement ; l'autorisation donnée aux services d'intervenir sous pseudonyme sur les forums d'échanges des acteurs les plus déterminés du cyber-terrorisme ; la création de l'incrimination pénale d'entreprise individuelle terroriste ; l'extension du champ d'application de la perquisition aux données informatiques stockées dans le « nuage ».

Dans le même temps, par souci de prévention, nous avons créé une plate-forme de signalements pilotée par le ministère de l'intérieur ; 980 signalements pertinents ont été faits depuis avril dernier. À cette plate-forme, nous avons adossé un dispositif puissant préfigurant une politique de déradicalisation ambitieuse. Les signalements sont transmis aux départements de résidence des personnes signalées pour être immédiatement pris en charge par les administrations de l'État et des collectivités locales au sein d'une structure animée par les préfets et les procureurs de la République. Des équipes mobiles rassemblant psychiatres, psychologues, enseignants, membres de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), de l'administration pénitentiaire, des services de prévention spécialisés des conseils généraux et des acteurs de la politique de l'emploi s'attachent alors, pour chaque personne ayant fait l'objet d'un signalement, à s'engager dans un début de déradicalisation.

En complément, le Comité interministériel de prévention de la délinquance a mis en place un dispositif associant, d'une part, le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam que pilote Mme Dounia Bouzar et dont les équipes pluridisciplinaires sont déployées sur le territoire, et d'autre part, autour du préfet N'Gahane, des actions de sensibilisation et de formation des fonctionnaires, partout sur le terrain.

Les décrets d'application de la loi seront pris en un temps record. Le texte a été adopté en novembre dernier ; le Conseil des ministres de mercredi dernier a statué sur l'ensemble des mesures réglementaires relatives à l'interdiction administrative de sortie du territoire ; les décrets relatifs au blocage administratif des sites – sites pédopornographiques compris – et ceux qui ont trait à leur déréférencement sont prêts. De plus, nous avons obtenu que le délai de quatre mois qui court entre le moment où ces textes lui sont notifiés et celui où la Commission européenne rend son avis soit réduit. Enfin, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a été saisie de ces décrets pour statuer en urgence. Notre objectif est que la loi s'applique à compter du 1er février.

En parallèle, nous avons décidé d'augmenter significativement les moyens des services. C'est ainsi que 432 emplois supplémentaires seront créés en trois ans au sein de la DGSI ; 130 personnes ont été recrutées en 2014, 100 doivent l'être en 2015, le solde en 2016. Nous avons augmenté de 12 millions d'euros par an les crédits de la DGSI pour lui permettre d'investir dans les moyens technologiques dont elle a besoin pour procéder à des investigations plus poussées. Nous avons aussi affecté une partie des 500 emplois créés chaque année dans la police et la gendarmerie au service central du renseignement territorial (SCRT).

Conscients de la gravité du problème, nous avons donc très rapidement pris des mesures et veillé à ce qu'elles fassent très vite l'objet de décrets d'application précis.

Ensuite sont intervenus les événements épouvantables que l'on sait. Ils ont fait, en urgence, l'objet d'une analyse poussée, qui sera encore approfondie par vos travaux, par nos échanges et par des réflexions partagées entre l'ensemble des forces politiques. Ces événements nous conduisent à prendre de nouvelles dispositions.

Quels enseignements ai-je tiré ce qui est advenu ? D'abord, la confirmation de la conviction que j'ai plusieurs fois exprimée : si, dans la lutte contre le terrorisme, ne prendre aucune précaution revient à prendre 100 % de risques, même quand on veut prendre toutes les précautions possibles, le risque zéro n'existe pas. Même dans les pays qui ont investi massivement dans des services de renseignement considérés comme les plus performants qui soient – en Israël par exemple – des attentats se produisent, car nous avons affaire à des acteurs mouvants et experts en dissimulation. Ils utilisent sur Internet des dispositifs de cryptage de plus en plus poussés qui compliquent le travail des services de renseignement, rendu plus difficile encore par le caractère protéiforme de la menace.

L'autre enseignement que j'ai tiré des attentats commis il y a quelques jours est que chaque cas doit faire l'objet d'une analyse méticuleuse, presque notariale.

Voyons ce qu'il en est de Saïd et Chérif Kouachi. En 2011, des informations sont recueillies selon lesquelles ils auraient pu s'entraîner dans un camp au Yémen. Elles entraînent, à juste titre, la surveillance des deux frères : des interceptions, autorisées par la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), ont lieu pendant plusieurs périodes entre 2011 et 2014 sans donner aucun résultat. Or les interceptions de sécurité sont soumises à quota. On peut certes passer outre l'opposition de la CNCIS à une écoute administrative, mais jusqu'à un certain point : nous sommes, et c'est très bien ainsi, dans un pays où un équilibre constant doit être respecté entre sécurité et liberté, et où les investigations conduites par le biais d'interceptions doivent faire l'objet d'un contrôle renforcé. La dernière demande d'autorisation d'interceptions de sécurité relative aux frères Kouachi portait sur quatre mois ; la CNCIS les a autorisées pour deux mois, au cours desquels aucun élément n'a été obtenu. Il faudra réfléchir à ce processus.

J'en viens à Amedy Coulibaly. Dans sa dernière livraison, Le Canard enchaîné écrit qu'il a fait l'objet d'un contrôle de routine par deux motards de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) fin décembre 2014. Cette information est exacte, mais je veux la compléter. En mars 2010, Amedy Coulibaly, impliqué dans la tentative d'évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, a été condamné non pour un acte de terrorisme mais pour un délit de droit commun. Malgré cela, il a été immédiatement inscrit dans le fichier des personnes signalées, sa fiche portant la mention « recherche de renseignements sans attirer l'attention » ; c'est ce qui est fait lors du contrôle du 30 décembre 2014, date à laquelle il n'avait commis aucun nouveau délit.

Cette explication est imparable en droit mais ne suffit pas : à l'avenir, nous devrons aller plus loin ; beaucoup d'événements sont intervenus depuis 2010 dont il faut, à un moment donné, tirer les conclusions en modifiant nos modalités d'action. Je constate que le profil de ce personnage est emblématique de la fongibilité entre délinquance et radicalisation dont j'ai fait état précédemment. Il s'est vraisemblablement radicalisé en prison, où il s'est trouvé après avoir été condamné pour complicité de tentative d'évasion d'un terroriste des années 1990. En pareil cas, à la fin de la détention, un dispositif de l'appareil d'État doit permettre à ceux qui collectent les renseignements de les communiquer à ceux qui les analysent, pour garantir que les analyses croisées permettent d'établir les priorités de surveillance indispensables. Cela étant, l'exercice est facile à énoncer a posteriori…

Au-delà des dispositions relatives aux moyens techniques et humains que nous avons arrêtées, l'enseignement que je tire des événements récents est que nous devons absolument assurer la fluidité de la circulation des informations entre les services et croiser les analyses. Nous proposerons une organisation permettant d'atteindre cet objectif. Mais nous devons dire aux Français que, même ainsi, il peut à tout moment y avoir une nouvelle attaque.

Je vous dirai enfin l'allocation de moyens matériels et humains supplémentaires que nous assignons à la lutte contre le terrorisme pour en renforcer l'efficacité.

Sans vouloir polémiquer, parce que je ne suis pas dans cet état d'esprit et parce que je peux comprendre que, dans un contexte budgétaire extraordinairement contraint, il ait fallu, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, prendre des décisions concernant bien des administrations, je me dois de dire que la réduction de quelque 13 000 unités des effectifs de la police et de la gendarmerie n'a pas été sans conséquences sur les capacités d'écoute et de décèlement de « signaux faibles » des services du renseignement territorial.

À la DGSI seront affectés, je vous l'ai dit, 432 emplois nouveaux. Nous voulons, pour être à la hauteur de l'enjeu, faire porter l'effort sur le recrutement de compétences nouvelles : informaticiens, ingénieurs, linguistes et analystes. Dans le même temps, 500 emplois supplémentaires seront créés au SCRT, dont 150 dans la gendarmerie et 350 dans la police. La moitié de ce millier de recrutements aura lieu en 2015. Ainsi agira-t-on sur l'ensemble du spectre du renseignement, depuis la détection de signaux faibles par le SCRT jusqu'à l'analyse sophistiquée, par la DGSI, des données appelant des relations avec des services de renseignement européens et internationaux.

D'autres emplois seront affectés à d'autres services : 100 à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris et 106 à la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), notamment pour permettre à la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité de renforcer l'efficacité des « patrouilles » sur Internet opérées par le biais de la plate-forme Pharos. Nous augmenterons également significativement les moyens de la direction centrale de la police aux frontières, afin que le fichier des passagers aériens (Passenger Name Record, PNR) soit mis en oeuvre dans de bonnes conditions ; nous augmenterons de 60 emplois l'effectif que la gendarmerie nationale consacre à la « cyber-veille » et d'une quarantaine de personnes le service de la protection. Enfin, nous doterons la direction des libertés publiques et des affaires juridiques. Ces créations d'effectifs tendant à renforcer les moyens humains représentent un budget de 150 millions d'euros sur trois ans.

Elles s'accompagneront de crédits hors T2, à hauteur de 233 millions d'euros, pour intervenir en urgence là où il y a des failles et des lacunes. L'incident que vous avez évoqué, monsieur le président, nous a conduits à remettre à plat nos relations avec les services turcs afin que rien de tel ne se reproduise ; désormais, les retours des djihadistes depuis la Turquie se font dans de bonnes conditions. Vous aviez, à l'époque, pointé les défaillances du système Cheops, dont il avait été dit qu'il était en panne. En m'informant de l'enchaînement des événements, j'ai constaté l'absence totale d'investissements en matière informatique au ministère depuis près de quinze ans. Nous utiliserons donc 80 millions de ces 233 millions d'euros pour renforcer massivement les crédits destinés à la modernisation des infrastructures et des applications de connexion des fichiers du ministère et parvenir, par une remise à niveau générale de nos systèmes d'information et de communication, à une gestion optimisée.

Dans le même esprit, nous abonderons le plan triennal de modernisation de l'équipement numérique triennal des forces de police et de gendarmerie – que nous avions doté de 108 millions d'euros – pour permettre une plus grande réactivité et un meilleur échange d'informations entre les forces.

Nous augmenterons aussi les crédits destinés à l'acquisition de véhicules par la police et la gendarmerie nationale ; les déploiements qui ont eu lieu dans plusieurs départements lors de la fuite des frères Kouachi disent l'importance de cette mesure ; les 40 millions d'euros alloués à chaque force pendant trois ans permettront l'acquisition de 2 000 véhicules par an seront augmentés.

L'accent sera aussi mis sur la formation des personnels.

Nous étudions d'autre part le marché des gilets pare-balles – une question essentielle pour des forces qui ont pour certaines été attaquées à l'arme lourde – afin de trouver des protections à la fois efficaces et légères – actuellement, les plus efficaces pèsent 15 kg –, et nous étudierons les possibilités d'achats groupés. Dans le cadre du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), nous créerons un fonds de concours pour financer l'équipement en gilets pare-balles des policiers municipaux. Nous travaillons à la définition des équipements collectifs dont les policiers peuvent avoir besoin quand ils sont en garde statique en concertation avec les organisations syndicales, que j'ai reçues à cette fin ; pour la même raison, j'ai reçu le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie.

Le budget global engagé s'élèvera donc à 381 millions d'euros sur trois ans, pour créer près de 1 400 emplois au ministère de l'intérieur.

Je ne saurais conclure sans dire quelques mots de la prévention. Elle est déterminante, et nous devons décupler ses moyens.

Cela relève pour partie du ministère de l'intérieur pour ce qui est du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam et du FIPD, et plus de 20 millions d'euros de ce fonds seront consacrés à la vidéo-surveillance, au renforcement de la prévention et à l'acquisition de matériels pour les policiers, notamment municipaux.

Un autre pan de la prévention relève du ministère de la justice. 950 emplois seront créés à la Chancellerie, répartis entre trois secteurs clefs : la PJJ, le parquet anti-terroriste et l'administration pénitentiaire. À cette dernière seront attribuées des compétences nouvelles en matière de santé mentale, d'accompagnement psychologique, de déradicalisation, de formation et de recrutement d'aumôniers. La nécessité plus large d'une coordination entre police et justice, entre forces de sécurité et parquet anti-terroriste – qui a remarquablement fonctionné la semaine dernière – doit conduire à renforcer l'articulation entre renseignement pénitentiaire et renseignement intérieur pour parvenir à un maillage beaucoup plus fin que celui qui existe actuellement.

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