Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 4 juin 2015 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Monsieur le député, la question que vous évoquez est absolument essentielle. J'insiste sur la volonté de la France de construire, avec le Parlement européen, un PNR équilibré. Si les 860 amendements déposés sur le rapport rendu par le député européen Timothy Kirkhope sont le signe d'une grande vitalité parlementaire, il ne faut pas oublier que l'examen de ce rapport n'est qu'une première étape avant le trilogue qui doit avoir lieu sur le même sujet, puis l'adoption de ce qui, au bout du compte, devra tout de même ressembler à un véritable PNR.

La nécessité de protéger les données est fondamentale, et il doit donc être répondu avec la plus grande précision à toutes les questions posées sur ce point par les parlementaires européens de toutes sensibilités, notamment ceux qui sont en pointe sur ces sujets – je pense notamment au groupe de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe, au groupe des Verts, et à certains sociaux-démocrates. Aucune de ces questions ne doit être ignorée, méprisée, ou susciter des propos irresponsables de la part des personnes chargées de la lutte antiterroriste. En France, la loi sur le renseignement suscite énormément d'interrogations et nous nous efforçons – même quand certaines questions semblent inspirées par la mauvaise foi – d'apporter des réponses précises. Ainsi, lorsque la Commission nationale consultative des droits de l'homme a émis des critiques, j'ai pris le soin de lui apporter une réponse très méticuleuse de quatorze pages.

En aucun cas nous ne devons traiter par le mépris ceux qui souhaitent avoir la garantie que ce que nous faisons en matière de sécurité sera assorti de tous les dispositifs qui s'imposent en vue de garantir les libertés des citoyens. J'ai une position très claire au sujet du PNR : en l'absence d'équilibre, il n'y aura pas de PNR, mais il faut tout de même que nous parvenions à PNR efficace. Comme vous le voyez, tout ce qui se rapporte à cette question est très subtil. Nous devons parler à la commission LIBE, aux parlementaires et aux groupes. Thomas de Maizière et moi-même faisons tout cela régulièrement, et nous travaillons ensemble. Nous devons être patients, pédagogues, et prendre le temps de répondre à toutes les questions.

En matière de cybercriminalité, je ne peux dire aux parlementaires, qu'ils soient français ou allemands, où en est l'enquête, car je tiens à ce que celle-ci aboutisse et je dois, en tout état de cause, respecter le secret de l'instruction. Évoquer une enquête en cours, c'est toujours prendre le risque de compromettre son efficacité.

Nous avons pris des dispositions législatives confortant considérablement l'efficacité des dispositifs dont nous disposons en matière de lutte contre la cybercriminalité. La loi du 13 novembre 2014 a renforcé la lutte contre les attaques informatiques des systèmes de l'État. Nous avons étendu les capacités des services en matière de cyberpatrouilles et de perquisitions informatiques sur les clouds. Nous avons facilité les modalités de saisine de nos structures de déchiffrement par les services d'enquête et les juges. Nous avons aussi considérablement renforcé les moyens des services ayant pour mission de lutter contre la cybercriminalité. Une partie des créations d'emplois que j'ai évoquées tout à l'heure sera affectée aux services de la direction centrale de la police judiciaire chargée de la lutte contre la cybercriminalité. La gendarmerie nationale française s'est dotée de moyens d'une exceptionnelle modernité en matière de lutte contre la cybercriminalité, notamment avec le Centre de lutte contre les cybercriminalités numériques (C3N), un dispositif mis en place à Pontoise et présentant un niveau de performances exceptionnel.

Par ailleurs, nous devons échanger des informations entre nous, car ce que nous faisons en matière de lutte contre la cybercriminalité restera sans efficacité si Europol ne prend pas le relais de notre action sur le territoire français. Ainsi la plateforme d'Europol nommée Check the Web prend-elle le relais, au niveau européen, de ce que fait la Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) en France : cela permet de créer un continuum entre l'action de la France et celle de l'Union européenne. Parmi les sujets abordés lors du G6 à Dresde figurait la volonté d'organiser l'échange d'informations au niveau européen, en utilisant Europol et Eurojust – car une grande partie du crime international passe par internet.

Je dois maintenant prendre congé de vous, devant me rendre au Sénat pour y parler de la loi sur le renseignement.

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