Intervention de Denis Baupin

Réunion du 10 juin 2015 à 9h45
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

La situation d'Areva nous préoccupe tous car elle est un sujet pour l'industrie, l'emploi et la sûreté ; il se pose de façon d'autant plus cruciale que l'État est très majoritairement actionnaire du groupe. Commet en est-on arrivé là ? Pourquoi les signaux d'alerte n'ont-ils pas été déclenchés plus tôt ?

Les Écologistes ont une appréciation différente du modèle d'affaires du nucléaire. Le président Oursel, lors de son audition devant la commission d'enquête relative aux coûts de la filière nucléaire, n'avait d'ailleurs pas caché que ce modèle connaît une érosion, notamment depuis l'accident de Fukushima. Selon nous, Areva – comme une bonne partie de la classe politique française – a toujours surestimé les potentialités de l'électricité nucléaire, dont la part ne cesse de décroître dans le monde alors que celle des énergies renouvelables, elle, est en plein essor. Les propos des responsables de l'entreprise nous laissent à penser que le mythe persiste.

Areva a, en tout cas, un rôle à jouer dans l'avenir du nucléaire, s'agissant notamment du rythme auquel notre pays peut en sortir. En amont comme en aval – par exemple avec le retraitement des déchets –, Areva dispose de compétences qu'il faut maintenir ; pour autant, il doit se diversifier, notamment dans les énergies renouvelables. Comment, d'ailleurs, l'entreprise a-t-elle pu perdre de l'argent aussi dans ce secteur, qui se développe partout dans le monde ?

Le risque d'entraîner EDF dans la chute n'a évidemment pas de quoi nous réjouir. Des agences de notation ont d'ailleurs annoncé que, si l'opération envisagée devait aboutir, le groupe EDF serait dégradé.

Les négociations entre Areva et EDF, avez-vous déclaré, doivent être plus équitables et le niveau de coopération être revu de façon radicale : cela en dit long sur les possibles désaccords quant à l'évaluation par EDF de votre activité « réacteurs », qu'elle chiffre à 2 milliards d'euros alors que vous la chiffrez vous-même à 3,5 milliards. Cet écart tient-il à une évaluation différente du carnet de commandes, estimé à 46 milliards lorsque les premières annonces ont été faites ? Ce chiffre est-il toujours valable ?

Le groupe Engie, dont vous n'avez pas parlé, s'est déclaré intéressé par l'activité de maintenance des réacteurs : qu'en pensez-vous, sachant que ce groupe est un partenaire historique d'Areva, notamment pour l'ATMEA ?

La France, avez-vous dit, possède des installations uniques au monde ; mais, par là même, elle est sans doute la plus vulnérable en matière de sûreté. À cet égard la mise en conformité de bâtiments à La Hague serait, d'après l'ASN, difficile voire impossible compte tenu de leur vieillissement. Quelles garanties pouvez-vous nous apporter sur ce point, notamment sur le fait que la sûreté ne sera pas une variable d'ajustement des plans de restructuration d'Areva, sachant que le maintien en activité de La Hague nécessite des investissements lourds ? L'ASN a notamment appelé l'attention, dans son dernier rapport annuel, sur le risque de saturation des piscines.

Semaine après semaine, nous découvrons dans la presse de nouvelles défaillances dans le chantier de l'EPR. Dans un rapport publié il y a deux jours, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) « estime que la technologie de fabrication retenue pour les calottes de cuve du réacteur Flamanville est en régression technique par rapport à celle utilisée pour le parc en exploitation ». Voilà qui a de quoi étonner, pour un réacteur dont on nous disait qu'il constitue une évolution technologique décisive ! Le jugement de l'IRSN explique-t-il en partie les problèmes constatés sur l'EPR ? A-t-on vu trop grand, sans prendre en compte toutes les exigences de sécurité ?

Enfin, puisque l'on nous annonce un nouveau modèle d'EPR, qu'en est-il du chantier de Hinkley Point, au Royaume-Uni ? Y construira-t-on deux réacteurs « ancien modèle » en dépit des problèmes qu'ils posent ? Ne faudrait-il pas proposer aux Britanniques, sous réserve qu'ils en soient d'accord, un EPR nouveau modèle (NM) ?

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