Intervention de Philippe Varin

Réunion du 10 juin 2015 à 9h45
Commission des affaires économiques

Philippe Varin, président du conseil d'administration d'Areva :

Je regrouperai les questions par thèmes.

On m'a en premier lieu interrogé sur l'EPR. Le monde, monsieur Fasquelle, a besoin de réacteurs dans la tranche de 1 500 à 1 700 mégawatts, qui intéresse les pays dotés d'une clientèle fournie et, bien entendu, de réseaux de transport suffisants. Je n'ai donc pas de doutes au regard des besoins futurs, y compris en France. Le vrai sujet, dès lors, est la compétitivité de l'EPR, dont la sûreté n'est au demeurant pas mise en doute, en tout cas au niveau de sa conception. M. Baupin a d'ailleurs posé une question sur les EPR NM pour Hinkley Point. Une équipe commune à EDF et Areva travaille actuellement, sur un plateau de la tour Areva, à la conception d'un EPR NM ; pour le chantier Hinkley Point, dans la gamme des réacteurs actuels, il nous faudra tirer les enseignements des expériences d'Olkiluoto 3 en Finlande, de Flamanville et de Taishan. Si la feuille de route est claire, l'enjeu ne doit pas être sous-estimé : la réduction des coûts doit être significative, car il y va de la compétitivité du nucléaire par rapport au charbon et au gaz – dont le coût augmentera inévitablement –, mais aussi par rapport aux énergies renouvelables, en particulier le photovoltaïque, dont le coût va diminuant. Cette dernière source d'énergie aura donc une place importante dans le bon mix énergétique, étant entendu que la place du nucléaire à long terme dépendra également de sa capacité à diminuer ses coûts.

L'ASN a pointé une anomalie dans le fond de cuve de l'EPR de Flamanville ; le plan d'essais sera redéfini avec elle cet été. Les équipes sont raisonnablement confiantes sur l'issue des tests, mais il faut bien entendu en attendre les résultats. Plus récemment l'IRSN a fait une observation, dans le cadre de sa revue des soupapes de sécurité, sur la cuve du même EPR ; mais ce commentaire relève du processus normal d'examen.

L'ATMEA, réacteur 1 000 mégawatts développé avec Mitsubishi, a vocation à rejoindre la société dédiée à l'ingénierie, monsieur Baupin ; il est en cours d'expérimentation en Turquie. L'ingénierie générique détaillée est prête ; reste à élaborer l'ingénierie spécifique à chaque projet. Le transfert dans la société dédiée n'aura aucun impact sur le partenariat avec Mitsubishi – sur ce point, le message est partagé avec le président-directeur général d'EDF.

J'en viens à la valorisation d'Areva NP. Aucun changement n'est intervenu sur le carnet de commandes, monsieur Baupin : les vues ne divergent donc pas sur ce point, même si l'appréciation de la marge peut être différente. M. Lévy dit que son offre est attractive, mais je n'ai jamais vu un acheteur dire l'inverse ; il ajoute qu'elle correspond au prix du marché, mais cela relève, là encore, de la tautologie puisqu'EDF est l'acheteur unique. Il est donc normal que les points de vue diffèrent. Notre proposition s'appuie sur une anticipation de la valeur économique d'Areva NP, sur la valeur de quarante ans de savoir-faire et, bien entendu, sur les flux de trésorerie futurs. Le comité had hoc du conseil d'administration d'Areva a notamment pour mission d'apprécier le niveau de valorisation acceptable.

Le dossier sera bien entendu suivi à Bruxelles, Monsieur Fasquelle, puisqu'il porte sur une concentration – en l'occurrence l'intégration verticale d'un équipementier dans un ensemblier. Les premiers contacts ont été pris par l'Agence des participations de l'État (APE), mais nous n'en sommes qu'à la phase préliminaire. Il faut néanmoins tenir compte de ce processus dans le calendrier général de l'opération, dont la conclusion devrait intervenir au second semestre de 2016. La transition sera donc assez longue, même si les éléments clés seront définis cet été.

S'agissant du périmètre d'Areva NP, nous indiquerons les actifs périphériques qui seront cédés lors de la présentation de nos résultats le 31 juillet prochain. Le transfert vers EDF pourra alors intervenir, le groupe Areva conservant l'ensemble des activités du cycle, soit le périmètre de l'ex-COGEMA, en plus de sa participation minoritaire au sein d'Areva NP.

L'État, aux termes du communiqué du 3 juin, viendra recapitaliser la société, monsieur Fasquelle, monsieur Chassaigne. Des investisseurs tiers, en plus d'EDF et d'Areva, pourront aussi entrer au capital d'Areva NP : on peut imaginer qu'ils soient aussi étrangers, même si je ne puis en dire davantage à ce stade. Cela serait au demeurant une bonne nouvelle pour conforter l'activité et les débouchés de cette filiale. En règle générale, le fait qu'un ensemblier s'intègre au capital de son équipementier n'est pas une bonne nouvelle pour le carnet de commandes de ce dernier, puisque cela réduit le champ de la concurrence ; dans le cas d'espèce, une solution peut être trouvée par l'entrée d'investisseurs tiers, potentiellement électriciens. Ces investisseurs pourront aussi être étrangers : aucune décision n'est encore prise à ce sujet.

Engie, ex GDF-Suez, est intéressé par certaines activités d'Areva ; cependant nous nous concentrerons, dans les mois qui viennent, sur le rapprochement avec EDF : nous examinerons les autres opérations envisageables une fois le paysage éclairci.

Mme Valter m'a interrogé sur l'État dans son double rôle d'actionnaire et de stratège. Pendant longtemps, la gouvernance d'Areva a été composée d'un conseil de surveillance et d'un directoire, lequel assurait la gestion exécutive de l'entreprise. Dans les faits, l'État entérine généralement les décisions du management ; mais il s'est rendu compte que cette organisation ne lui permettait pas de suivre les opérations de près ; d'où la création, le 8 janvier dernier, d'un conseil d'administration que je préside, Philippe Knoche assurant de son côté la direction générale. Les contacts et les interactions ne sont évidemment pas les mêmes dans un conseil d'administration à un seul niveau que dans l'ancienne structure à deux niveaux.

Je ne suis pas un adepte des « modèles ». Mon expérience de trente-six ans dans l'industrie me conduit à penser que les bonnes solutions sont à chercher dans différents modèles, non dans un seul. La définition d'un sens industriel suppose des responsabilités claires entre l'ensemblier et l'équipementier, en l'espèce EDF et Areva – lequel se subdivisera demain entre Areva NP et la nouvelle société. Si l'équipementier empiète sur les compétences de l'ensemblier, le résultat, prévisible, est celui que l'on a pu observer en Finlande. À cet égard, la décision du 3 juin clarifie les rôles de chacun.

Une filière suppose aussi un alignement entre les acteurs. La filière automobile, que j'ai bien connue, se structure entre les ensembliers – les constructeurs – et les équipementiers, qui se portent au demeurant fort bien – je rêve qu'Areva soit le Valeo du nucléaire… Des dispositions ont été prises le 3 juin pour assurer cet alignement.

À terme, la santé de la filière nucléaire française passe aussi par une vision internationale. Si EDF se charge de la conception et de la commercialisation des réacteurs, il devra se montrer agressif à l'extérieur de nos frontières.

S'agissant de l'impact de l'opération sur EDF, il revient à M. Lévy de vous répondre.

La sûreté reste un objectif absolument prioritaire : le groupe continuera donc à investir en ce domaine, à hauteur de près de 200 millions d'euros par an.

Quant au dialogue social, j'ai constaté, en arrivant à la tête du groupe, qu'il est de bonne qualité. Je vous confirme en tout état de cause, monsieur Chassaigne, que de 3 000 à 4 000 emplois en France sont en jeu, et de 5 000 à 6 000 au niveau mondial. La direction générale et les représentants du personnel ont conclu, de façon très professionnelle, un accord de méthode sur les conditions de mise en oeuvre des procédures du livre 2 puis du livre 1. Les dispositions de cet accord s'appliqueront à l'ensemble des sociétés, et ce jusqu'à la fin du mois de juillet, après quoi les procédures seront déclenchées, entre septembre et octobre.

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